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Solitude

Une page de Wikiquote, le recueil des citations libres.
Solitude , de Frederick Leighton.

La solitude (du latin solus signifiant « seul ») est l'état ressenti par un individu seul qui n'est engagé dans aucun rapport durable avec autrui.

Littérature

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Que craindre au monde, sinon la solitude et l'ennui ?
  • Sous le soleil de Satan, Georges Bernanos, éd. Plon, coll. « Livre de poche », 1926, p. 23


Quelle triste erreur, pensa Drogo, peut-être en est-il ainsi de tout, nous nous croyons entourés de créatures semblables à nous et, au lieu de cela, il n'y a que gel, pierres qui parlent une langue étrangère ; on est sur le point de saluer un ami, mais le bras retombe inerte, le sourire s'éteint, parce que l'on s'aperçoit que l'on est complètement seul.
  • Le Désert des Tartares, Dino Buzzati (trad. Michel Arnaud), éd. Pocket, 1994, chap. 10, p. 88


[…] Drogo s'aperçut à quel point les hommes restent toujours séparés l'un de l'autre malgré l'affection qu'ils peuvent se porter ; il s'aperçut que, si quelqu'un souffre, sa douleur lui appartient en propre, nul ne peut l'en décharger si légèrement que ce soit ; il s'aperçut que, si quelqu'un souffre, autrui ne souffre pas pour cela, même si son amour est grand, et c'est cela qui fait la solitude de la vie.
  • Le Désert des Tartares, Dino Buzzati (trad. Michel Arnaud), éd. Pocket, 1994, chap. 24, p. 223


Être seul c'est s'entraîner à la mort.


Ne pas pouvoir joindre la vie antérieure à la vie présente, ne pas pouvoir les raconter en entier à quelqu'un, pas même à soi, telle est la solitude. Elle en étouffait plus d'un. Je savais que moi-même je faisais partie du lot.


Je pense à ces couples de gisants qu’on voit parfois dans les églises, allongés l’un à coté de l’autre, les plis des vêtements soigneusement repassés, tuyautés, frisés, godronnés, gaufrés, les mains jointes, un oreiller brodé glissé sous la tête, le chien familier leur servant de repose-pied. Qui peut aujourd’hui espérer connaître un pareil repos ? Une telle amitié dans la mort ? Les gens vivent seuls, mourront seuls, seront déposés seuls dans la terre ou préféreront, face à la peur de pareille solitude, se faire incinérer, devenir poussière parmi les poussières, cendre perdue au vent, quand même l’Église requérait qu’il y eût un peu de chair, un front par exemple, pour déposer la poudre grise, l’honorer – car on honorait en effet la cendre -, et par là lui donner un sens.


Qu’elle est douce, aux cœurs amers, la solitude, qu’il est doux, le spectacle de l’abandon, aux âmes orgueilleuses.


Mon nez n'est plus ce qu'il était autrefois. On a dû me le refaire entièrement dans un hôpital de la R.A.F. Pendant la guerre, à la suite d'un méchant accident d'avion, mais quoi, il est toujours là, j'ai continué à respirer à travers plusieurs républiques et, encore en ce moment, couché entre ciel et terre, lorsque mon vieux besoin d'amitié me reprend et que je pense à mon chat Mortimer, enterré dans un jardin de Chelsea, à mes chats Nicolas, Humphrey, Gaucho et à Gaston, le chien sans race, qui m'ont tous quitté depuis longtemps, il me suffit de lever la main et de toucher le bout de mon nez pour m'imaginer qu'il me reste encore de la compagnie.


La solitude dégage des préjugés du monde, et le monde des préjugés de la solitude.
  • Pensées, Cécile Fée, éd. Madame Huzard, 1832, p. 108


La solitude ne m'est pas donnée, je la gagne. Je suis conduit vers elle par un souci de beauté. J'y veux me définir, délimiter mes contours, sortir de la confusion, m'ordonner.
  • Journal du voleur (1949), Jean Genet, éd. Gallimard, coll. « Folio », 1982  (ISBN 2-07-036493-3), p. 277


Cécile Guilbert

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[Nabokov] développe surtout et dès son plus jeune âge une « passion innée pour l'indépendance ». A l'excellent gymnase Tenichev d'abord, où il refuse de partager groupes de travail, sorties en bande, et même les essuie-mains des lavabos communs. Mais surtout lors des fameuses villégiatures estivales passées dans le domaine familial de Vyra où ses premières extases — poésie, petites amoureuses, papillons — s'aimantent à jamais à travers bois et vergers. Des passions réclamant toutes cette « inviolable solitude » dont parle Proust au sujet de « la lecture, la rêverie, les larmes et la volupté » et dont Nabokov précisera, au sujet des « diverses facettes » de sa « fièvre entomologique », que «  l'une d'elles était le désir aigu d'être seul, sans compagnon aucun, si tranquille fût-il, qui vînt s'immiscer dans ma façon de jouir avec concentration de ma passion. Son assouvissement, ajoute-t-il, ne souffrait aucun compromis ni aucune exception ».
  • Cécile Guilbert parlant de Nabokov dans une préface
  • Littératures (1980), Vladimir Nabokov, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov, p. X


Qu'une telle affirmation de la criminalité soit liée à la solitude monacale, n'est pas sans importance au moment où la représentation révolutionnaire ne retient que ce qui se passe sur la scène éclairée de l'histoire. L'« inconvenance majeure » du roman noir est précisément d'exposer par cet artifice la solitude terrible de l'individu affronté à sa propre violence intérieure, solitude que l'idéologie révolutionnaire nie en la rejetant dans l'ancien monde et en inaugurant, sous le prétexte de fonder la « nation », une complicité de fait qui se referme sur la criminalité de chacun.
  • Les châteaux de la subversion, Annie Le Brun, éd. Garnier Frères, coll. « Folio Essais », 1982  (ISBN 2-07-032341-2), partie III, Sans lieu ni date, p. 238


[...] la liberté fait peur aux gens. Ils n'aiment ni la liberté, ni la solitude, c'est la même chose, et ils se jettent avec ivresse dans tout ce qui est propre à les délivrer d'eux-mêmes, et à les prendre en charge.
  • Les Passions schismatiques, Gabriel Matzneff, éd. Stock, 1977, chap. L'écriture, p. 104


Je me replie. Je rentre en moi par mon oreille gauche. Mes pas retombent dans la solitude de mon crâne qu'illumine seule une constellation grenat. Je parcours à tâtons l'énorme salle démantelée. Portes murées, fenêtres condamnées.
  • Liberté sur parole (1958), Octavio Paz (trad. Jean-Clarence Lambert), éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1966  (ISBN 2-07-031789-7), partie II. AIGLE OU SOLEIL ? (1949-1950), Travaux du poète — VII, p. 52


Une seule chose est nécessaire : la solitude. La grande solitude intérieure. Aller en soi-même, et ne rencontrer durant des heures personne, c'est à cela qu'il faut parvenir. Être seul comme l'enfant est seul quand les grandes personnes vont et viennent, mêlées à des choses qui semblent grandes à l'enfant et importantes du seul fait que les grandes personnes s'en affairent et que l'enfant ne comprend rien à ce qu'elles font.


Au fond, qu'aimerais-je mieux ? ou passer la fin de mes jours dans la solitude raffinée, égoïste et pensive de Sieyès, ou vieillir et mourir dans la prostitution banale de La Fayette ?


Qu'est-ce que la solitude ? Une compagne qui sert à tout.
Elle est un baume appliqué sur les blessures. Elle fait caisse de résonance : les impressions sont décuplées quand on est seul à les faire surgir. Elle impose une responsabilité : je suis l'ambassadeur du genre humain dans la forêt vide d'hommes. Je dois jouir de ce spectacle pour ceux qui en sont privés. Elle génère des pensées puisque la seule conversation possible se tient en soi-même. Elle lave de tous les bavardages, permet le coup de sonde en soi. Elle convoque à la mémoire le souvenir des gens aimés. Elle lie l'ermite d'amitié avec les plantes et les bêtes et parfois un petit dieu qu passerait par là.


Beaucoup prétendaient qu'une femme dans l'équipage perturbe nécessairement les hommes qui ne sont pas de marbre... J'opposai à ce jugement une réaction qui engagea toute ma vie.
« Allez vous faire foutre, me suis-je dit. Puisque c'est ainsi, j'irai naviguer toute seule. »


La beauté de cette solitude ne peut être décrite que par ceux qui la vivent. Beauté de ce décor sauvage, beauté de la liberté goûtée ici sans entraves, beauté de cet univers mystique et fascinant, beauté de ces moments magiques où le temps n'existe plus et où les rêves peuvent devenir réalité.
  • Cette nuit, la mer est noire, Florence Arthaud, éd. Arthaud, coll. « Poche », 2015  (ISBN 978-2-0813-7968-8), p. 13


Il y a beaucoup de marins qui pour se sentir moins seuls donnent de petits noms à leur pilote automatique. Je déteste ça.
  • Cette nuit, la mer est noire, Florence Arthaud, éd. Arthaud, coll. « Poche », 2015  (ISBN 978-2-0813-7968-8), p. 121


Philosophie

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Ô solitude ! Toi ma patrie, solitude ! Comme ta voix me parle, bienheureuse et tendre !
Nous ne nous questionnons point, nous ne nous plaignons pas l’un à l’autre, librement nous franchissons ensemble les portes ouvertes.

  • Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzsche, éd. Gallimard, coll. « Le Livre de poche classique », 1947, partie 3, sect. « Le retour », p. 213


Où cesse la solitude commence le marché ; et où commence le marché, commence aussi le vacarme des grands comédiens et le bourdonnement des mouches venimeuses.
(...) C'est à l'écart du marché et de la gloire que se passe tout ce qui est grand : c'est à l'écart de la place du marché et de la gloire qu'ont, de tout temps, habité les inventeurs de valeurs nouvelles.

  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Georges-Arthur Goldschmidt), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1972  (ISBN 978-2-253-00675-6), partie I, chap. « Des mouches du marché », p. 69


Tout homme d'élite aspire instinctivement à sa tour d'ivoire, à sa retraite mystérieuse, où il est délivré de la masse, du vulgaire, du grand nombre, où il peut oublier la règle « homme », étant lui-même une exception à cette règle.

  • Par-delà le bien et le mal (1886), Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1991  (ISBN 978-2-253-05614-0), partie II, chap. « Le libre esprit », § 26, p. 93


[...] j'ai besoin de solitude, je veux dire de guérison, de retour à moi, du souffle d'un air pur qui circule librement... Tout mon Zarathoustra n'est qu'un dithyrambe en l'honneur de la solitude, ou, si l'on m'a compris, en l'honneur de la pureté... Heureusement, pas en l'honneur de la pure niaiserie ! — Qui sait voir les couleurs l'appellera adamantine... Le dégoût de l'homme, de la « canaille », fut toujours mon plus grand péril...
  • L’Antéchrist suivi de Ecce Homo (1888-1908), Friedrich Nietzsche, éd. Gallimard, coll. « Folio Essais », 2006  (ISBN 978-2-07-032557-3), partie Pourquoi je suis si sage, Ecce Homo, p. 110


[...] tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre.


C'est de cette époque que je puis dater mon entier renoncement au monde et ce goût vif pour la solitude qui ne m'a plus quitté depuis ce temps-là. L'ouvrage que j'entreprenais ne pouvait s'exécuter que dans une retraite absolue ; il demandait de longues et paisibles méditations que le tumulte de la société ne souffre pas. Cela me força de prendre pour un temps une autre manière de vivre dont ensuite je me trouvai si bien que ne l'ayant interrompue depuis lors que par force et pour peu d'instants, je l'ai reprise de tout mon cœur et m'y suis borné sans peine aussitôt que je l'ai pu, et quand ensuite les hommes m'ont réduit à vivre seul, j'ai trouvé qu'en me séquestrant pour me rendre misérable, ils avaient plus fait pour mon bonheur que je n'avais su faire moi-même.


Je sens des extases, des ravissements inexprimables à me fondre pour ainsi dire dans le système des êtres, à m'identifier avec la nature entière. Tant que les hommes furent mes frères, je me faisais des projets de félicité terrestre ; ces projets étant toujours relatifs à tout, je ne pouvais être heureux que de la félicité, et jamais l'idée d'un bonheur particulier n'a touché mon cœur que quand j'ai vu mes frères ne chercher le leur que dans ma misère. Alors pour ne les pas haïr il a bien fallu les fuir ; alors me réfugiant chez la mère commune j'ai cherché dans ses bras à me soustraire aux atteintes de ses enfants, je suis devenu solitaire, ou, comme ils disent, insociable et misanthrope, parce que la plus sauvage solitude me paraît préférable à la société des méchants, qui ne se nourrit que de trahisons et de haine.


Seul pour le reste de ma vie, puisque je ne trouve qu'en moi la consolation, l'espérance et la paix, je ne dois ni ne veux plus m'occuper que de moi.


Musique

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Alain Souchon

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Pourquoi ces rivières
Soudain sur les joues qui coulent
Dans la fourmilière
C'est l'Ultra Moderne Solitude

  • Ultra Moderne Solitude, Alain Souchon, Alain Souchon, album Ultra Moderne Solitude (1988 chez Virgin).


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