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Italo Calvino

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Italo Calvino.

Italo Calvino est un écrivain italien né à Santiago de las Vegas (Cuba) le 15 octobre 1923 et mort à Sienne (Italie) le 19 septembre 1985.

Citations[modifier]

Le Chevalier inexistant[modifier]


Sous les murs rouges de Paris, s’était déployée l’armée de France : Charlemagne devait passer les paladins en revue. Ils attendaient depuis trois grandes heures, dans la touffeur d’un après-midi de début d’été, un peu couvert, nuageux ; on mitonnait dans les cuirasses, comme dans des marmites mises à cuire à feu doux. Peut-être bien que, dans cet alignement imperturbable de chevaliers, quelqu’un déjà s’était évanoui, ou simplement assoupi : de toute façon, l’armure les maintenait bien cambrés sur leur selle, tous pareils.
  • Incipit du roman.
  • Le Chevalier inexistant (1959), Italo Calvino (trad. Maurice Javion), éd. du Seuil, coll. « Points », 1995  (ISBN 2-02-023812-8), chap. I, p. 11


Cosmicomics[modifier]


Temps zéro[modifier]

  • Cosmicomics : récits anciens et nouveaux, Italo Calvino (trad. Jean Thibaudeau), éd. Gallimard, coll. « Folio », 2013  (ISBN 978-2-07-045109-8), p.  (lire en ligne)
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Les Villes invisibles[modifier]


L’homme qui chevauche longuement par des terres sauvages, le désir d’une ville le prend. Il finit par arriver à Isidora […]. Isidora est donc la ville de ses rêves : à une différence près. La ville rêvée le contenait lui encore jeune ; il arrive à Isidora déjà vieux. Sur la place, il y a le muret des vieux qui regardent passer la jeunesse ; il se trouve assis parmi eux. Les désirs sont déjà des souvenirs.
  • Les Villes invisibles, Italo Calvino (trad. Martin Rueff), éd. Gallimard, coll. « Folio », 2019  (ISBN 978-2-07-288349-1), chap. I. Les villes et la mémoire, 2., p. 14


Si par une nuit d'hiver un voyageur[modifier]


Tu es sur le point de commencer le nouveau roman d’Italo Calvino, Si une nuit d’hiver un voyageur. Détends‐toi. Recueille‐toi. Chasse toute autre pensée de ton esprit. Laisse le monde qui t’entoure s’estomper dans le vague. Il vaut mieux fermer la porte ; là‐bas la télévision est toujours allumée. Dis‐le tout de suite aux autres : « Non, non, je ne veux pas regarder la télévision. » Lève la voix, sinon ils ne t’entendront pas : « Je suis en train de lire ! Je ne veux pas être dérangé. » Il se peut qu’ils ne t’aient pas entendu avec tout ce bazar ; dis‐le à haute voix, crie : « Je vais commencer le nouveau roman d’Italo Calvino ! » Ou si tu ne veux pas, ne le dis pas ; espérons qu’ils te laissent tranquille.
  • Si par une nuit d'hiver un voyageur, Italo Calvino (trad. Martin Rueff), éd. Gallimard, coll. « Folio », 2015  (ISBN 978-2-07-045106-7), chap. I, p. 9


Te voilà donc prêt désormais à attaquer les premières lignes de la première page. Tu t’attends à reconnaître l’accent incomparable de l’auteur. Non. Tu ne le reconnais pas du tout. Mais à y regarder de près, a‐t‐on jamais dit que cet auteur avait un accent inimitable ? Tout au contraire, on sait bien qu’on a affaire à un auteur qui change beaucoup d’un livre à l’autre. Et c’est justement dans ces changements qu’on reconnaît que c’est bien lui.
  • Si par une nuit d'hiver un voyageur, Italo Calvino (trad. Martin Rueff), éd. Gallimard, coll. « Folio », 2015  (ISBN 978-2-07-045106-7), chap. I, p. 17-18


Écouter quelqu’un qui lit à haute voix, ce n’est pas la même chose que lire en silence. Quand tu lis, tu peux t’arrêter, ou survoler les phrases : c’est toi qui décides du rythme. Quand c’est un autre qui lit, il est difficile de faire coïncider ton attention avec le tempo de sa lecture : sa voix va ou trop vite ou trop lentement.


Tourner la page[modifier]

 (it) Una pietra sopra, Einaudi, (lire en ligne)[1].

Pour qui écrit-on un roman ? Pour qui écrit-on un poème ? Pour des gens qui ont lu certains autres romans, certains autres poèmes. On écrit un livre pour qu'il puisse se juxtaposer à d'autres livres, pour qu'il prenne place sur une étagère hypothétique et, ce faisant, la modifie de quelque façon, déloge tels autres volumes ou les fasse reculer au deuxième rang, réclame qu'on en promeuve d'autres au premier.
  • Rinascita, 46, 24 novembre 1967[2].
  • « Pour qui écrit-on ? (L’étagère hypothétique) », dans Tourner la page, Italo Calvino (trad. Christophe Mileschi), éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-014004-6), p. 235


Dans la façon dont la culture d'aujourd'hui voit le monde, une tendance affleure en même temps dans différents domaines : de plus en plus, le monde dans ses divers aspects est vu comme discret plutôt que comme continu. J'emploie le terme « discret » dans son acception mathématique : quantité « discrète », c'est-à-dire qui se compose de parties séparées. Hier encore, la pensée nous apparaissait comme quelque chose de fluide, évoquant en tous des images linéaires (un fleuve qui s'écoule, un fil qui se déroule), ou des images gazeuses (une espèce de nuage, tant il est vrai qu'on parlait volontiers d'« esprit »); alors qu'aujourd'hui, nous avons tendance à la voir comme une série d'états discontinus, de combinaisons d'impulsions sur un nombre fini (un nombre énorme mais fini) d'organes sensoriels et de contrôle. Les cerveaux électroniques, s'ils sont encore loin de produire toutes les fonctions d'un cerveau humain, sont cependant d'ores et déjà en mesure de nous fournir un modèle théorique convaincant des processus les plus complexes de notre mémoire, de nos associations mentales, de notre imagination, de notre conscience.
  • Conférence, Turin, Milan, Gênes, Rome, Bari, 24-30 novembre 1967[3].
  • « Cybernétique et fantômes (Notes sur la littérature comme processus combinatoire) », dans Tourner la page, Italo Calvino (trad. Christophe Mileschi), éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-014004-6), p. 246-247


De même qu'aucun joueur d'échecs ne vivra assez longtemps pour épuiser les combinaisons des déplacements possibles des trente-deux pièces sur l'échiquier, de même nous savons - étant donné que notre esprit est un échiquier mettant en jeu des centaines de milliards de pièces - qu'une vie aussi longue que l'univers ne suffirait pas pour qu'on parvienne à en jouer toutes les parties possibles. Mais nous savons aussi que toutes les parties sont implicites dans le code général des parties mentales, par le biais duquel chacun de nous formule d'instant en instant ses pensées, foudroyantes ou paresseuses, nébuleuses ou cristallines.
  • Conférence, Turin, Milan, Gênes, Rome, Bari, 24-30 novembre 1967[3].
  • « Cybernétique et fantômes (Notes sur la littérature comme processus combinatoire) », dans Tourner la page, Italo Calvino (trad. Christophe Mileschi), éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-014004-6), p. 247-248


Ce qui […] m'intéresse, c'est tout ce qui est appropriation véritable de l'espace et des objets célestes, c'est-à-dire connaissance : en dehors de notre cadre limité et certainement trompeur, définition d'un rapport entre nous et l'univers extra-humain. La lune, dès l’Antiquité, a signifié pour les hommes ce désir, et c'est ainsi que s'explique la dévotion lunaire des poètes. Mais la lune des poètes a-t-elle quelque chose à voir avec les images laiteuses et piquetées que nous transmettent les fusées ? Peut-être pas encore; mais le fait que nous soyons obligés de repenser la lune d'une manière nouvelle nous amènera à repenser d'une manière nouvelle bien des choses. […]. Ceux qui aiment vraiment la lune ne se contentent pas de la contempler comme une image conventionnelle, ils veulent entrer plus étroitement en relation avec elle, ils veulent voir davantage dans la lune, ils veulent que la lune en dise davantage. Le plus grand écrivain de la littérature italienne de tous les temps, Galilée, dès qu'il se met à parler de la lune, élève sa prose à un degré prodigieux de précision et d'évidence, en même temps que de raréfaction lyrique. Et la langue de Galilée fut l'un des modèles de celle de Leopardi, grand poète lunaire…
  • « Le rapport avec la lune », dans Tourner la page, Italo Calvino (trad. Christophe Mileschi), éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-014004-6), p. 269-270


Galilée ne fait pas usage du langage comme d'un instrument neutre, il fait preuve de conscience littéraire, d'une incessante participation expressive, imaginative, et même lyrique. Lorsque je lis Galilée, j'aime chercher les passages où il parle de la Lune : c'est la première fois que la Lune devient pour les hommes un objet réel, que l'on décrit minutieusement comme une chose tangible, et pourtant, dès que la Lune apparaît, on sent dans la prose de Galilée une sorte de raréfaction, de lévitation : on s'élève dans une suspension enchantée.
  • L'Approdo letterario, 41, janvier-mars 1968[5].
  • « Deux interviews sur science et littérature », dans Tourner la page, Italo Calvino (trad. Christophe Mileschi), éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-014004-6), p. 274


Lorsque j'ai dit que Galilée reste le plus grand écrivain italien, Carlo Cassola (it) a bondi pour dire : Comment ça ! Je croyais que c'était Dante ! Merci, belle découverte. D'abord, je voulais dire écrivain en prose; dans ce cas, la question se joue entre Machiavel et Galilée, et là, je suis tout de même un peu gêné, parce que Machiavel aussi, je l'aime beaucoup. Ce que je peux dire, c'est que dans la direction où je travaille maintenant, je trouve davantage à me nourrir chez Galilée, quant à la précision du langage, à l'imagination scientifico-poétique, à la construction de conjectures. Mais Galilée - dit Cassola - était un scientifique, pas un écrivain. Cet argument me semble facile à démonter : de la même façon, Dante faisait lui aussi, dans un contexte culturel différent, œuvre encyclopédique et cosmologique, lui aussi cherchait à travers la parole littéraire à construire une image de l'univers. C'est là une vocation profonde de la littérature italienne qui se transmet de Dante à Galilée : l'œuvre littéraire comme carte du monde et du connaissable, l'écriture animée par un élan cognitif qui ressortit tantôt à la théologie, tantôt à la spéculation, tantôt à la sorcellerie, tantôt à l'ambition encyclopédique, tantôt à la philosophie naturelle, tantôt à l'observation transfigurante et visionnaire.
  • L'Approdo letterario, 41, janvier-mars 1968[6].
  • « Deux interviews sur science et littérature », dans Tourner la page, Italo Calvino (trad. Christophe Mileschi), éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-014004-6), p. 275


Monsieur Palomar [modifier]

Leçons américaines[modifier]

De ce combat avec la langue, de cette poursuite de quelque chose qui échappe encore à l'expression, c'est Léonard de Vinci qui offre l'exemple le plus significatif; dans l'extraordinaire document que sont les carnets, on voit Léonard affronter la langue, une langue touffue et noueuse, à la recherche de l'expression la plus riche, la plus subtile, la plus précise. Les états successifs de l'idée traitée […] montrent bien, chez Léonard écrivain, quelles forces il engageait dans l'écriture en tant qu'instrument de connaissance, et combien il préférait, pour tous ses livres en projet, le procès de la recherche à l'achèvement d'un texte à publier.
  • Défis aux labyrinthes, Italo Calvino (trad. Yves Hersant), éd. Seuil, coll. « Bibliothèque Calvino », 2003  (ISBN 2-02-061914-8), t. II, partie Leçons américaines : six propositions pour le prochain millénaire, chap. Exactitude, p. 69


Léonard, qui se présentait lui-même comme le contraire d'un lettré (« omo senza lettere »), avait un rapport difficile au langage écrit. Personne au monde n'était plus savant et plus sage, mais son ignorance du latin et de la grammaire l’empêchait de communiquer par écrit avec les doctes de son temps. Sans doute se sentait-il capable de fixer dans le dessin, mieux que dans la langue, une large part de son savoir. (« O scrittore, con quali letere scriverai tu con tal perfezione la intera figurazione qual la qui il disegno? » [« Où trouveras-tu, toi qui écris, des lettres qui figurent aussi parfaitement tout ce que le dessin figure ici? »] demandait-il dans ses carnets d'anatomie.) Et ce n'est pas seulement la science, mais aussi la philosophie qu'il était convaincu de mieux transmettre par la peinture et le dessin. Reste qu'il éprouvait constamment le besoin d'écrire, de recourir à l'écriture pour explorer le monde, ses secrets, la diversité de ses manifestations, comme pour donner forme à ses propres rêveries, émotions ou rancœurs.
  • Défis aux labyrinthes, Italo Calvino (trad. Yves Hersant), éd. Seuil, coll. « Bibliothèque Calvino », 2003  (ISBN 2-02-061914-8), t. II, partie Leçons américaines : six propositions pour le prochain millénaire, chap. Exactitude, p. 69-70


Qui sommes-nous, qu'est chacun de nous, sinon une combinaison d'expériences, d'informations, de lectures, de rêveries ? Chaque vie est une encyclopédie, une bibliothèque, un inventaire d'objets, un échantillonnage de styles, où tout peut se mêler et se réorganiser de toutes les manières possibles.
  • Défis aux labyrinthes, Italo Calvino (trad. Yves Hersant), éd. Seuil, coll. « Bibliothèque Calvino », 2003  (ISBN 2-02-061914-8), t. II, partie Leçons américaines : six propositions pour le prochain millénaire, chap. Multiplicité, p. 103


La route de San Giovanni[modifier]


Pourquoi lire les classiques[modifier]

Les classiques sont ces livres dont on entend toujours dire : « je suis en train de le relire… » et jamais : « je suis en train de le lire… »
  • « Italiani, vi esorto ai classici », L'Espresso, 28 juin 1981 , première traduction française dans La machine littérature : essais (trad. Michel Orcel et François Wahl), Seuil, (ISBN 2-02-006682-3, lire en ligne), p. 103.
  • « Pourquoi lire les classiques », dans Pourquoi lire les classiques, Italo Calvino (trad. Jean-Paul Manganaro), éd. Seuil, 1996  (ISBN 2-02-025910-9), p. 7 (lire en ligne)


Toute relecture d’un classique est une découverte, comme la première lecture.
  • « Pourquoi lire les classiques », dans Pourquoi lire les classiques, Italo Calvino (trad. Jean-Paul Manganaro), éd. Seuil, 1996  (ISBN 2-02-025910-9), p. 9 (lire en ligne)


Un classique est un livre qui n'a jamais fini de dire ce qu'il a à dire.
  • « Pourquoi lire les classiques », dans Pourquoi lire les classiques, Italo Calvino (trad. Jean-Paul Manganaro), éd. Seuil, 1996  (ISBN 2-02-025910-9), p. 9 (lire en ligne)


Est classique ce qui tend à reléguer l’actualité au rang de rumeur de fond, sans pour autant prétendre éteindre cette rumeur.
  • « Pourquoi lire les classiques », dans Pourquoi lire les classiques, Italo Calvino (trad. Jean-Paul Manganaro), éd. Seuil, 1996  (ISBN 2-02-025910-9), p. 12 (lire en ligne)


Est classique ce qui persiste comme rumeur de fond, là même où l’actualité qui en est la plus éloignée règne en maître.
  • « Pourquoi lire les classiques », dans Pourquoi lire les classiques, Italo Calvino (trad. Jean-Paul Manganaro), éd. Seuil, 1996  (ISBN 2-02-025910-9), p. 12 (lire en ligne)


Des personnages filiformes, animés d’une mobilité sautillante, s’allongent, se contorsionnent, dansent comme de légers griffonnages; c’est ainsi que Paul Klee[7], en 1911, illustrait le Candide de Voltaire, donnant forme visuelle — je dirais presque musicale — à la joyeuse énergie que ce livre — au-delà de sa trame serrée de références à une époque et à une culture — continue de communiquer au lecteur de notre siècle.
  • Introduction à l’édition italienne de Candide de Voltaire, 1974[8].
  • « Candide ou la vélocité », dans Défis aux labyrinthes, Italo Calvino (trad. Marcel Orcel), éd. Seuil, 2003  (ISBN 2-02-061914-8), t. II, chap. Les classiques, p. 220

La grande bonace des Antilles[modifier]

Ermite à Paris[modifier]

Si l'on admet que le travail de l'écrivain peut être influencé par le milieu où il s'accomplit, par les éléments du décor qui l'entoure, on doit alors reconnaître que Turin est la ville idéale pour écrire. Je ne sais pas comment on peut écrire dans une de ces villes où les images du présent sont si exubérantes, si imposantes qu'elles ne laissent aucune marge d'espace et de silence. Ici, à Turin, on arrive à écrire parce que le passé et l'avenir ont plus d'évidence que le présent, les lignes de force du passé et la tension vers l'avenir donnent un sens concret aux images discrètes et ordonnées de l'actuel. Turin est une ville qui invite à la rigueur, à la linéarité, au style. Elle invite à la logique et ouvre, à travers la logique, une voie vers la folie.
  • Note, 1960
  • « L’écrivain et la ville », dans Ermite à Paris: pages autobiographiques, Italo Calvino (trad. Jean-Paul Manganaro), éd. Seuil, coll. « Bibliothèque Calvino », 2001  (ISBN 2-02-025687-8), p. 14


Avant d’être une ville du monde réel, Paris, pour moi comme pour des millions d’autres personnes de tous les pays, a été une ville imaginée à travers les livres, une ville que l’on s’approprie par la lecture.
  • Entretien avec Valerio Riva, 1974
  • « Ermite à Paris », dans Ermite à Paris: pages autobiographiques, Italo Calvino (trad. Jean-Paul Manganaro), éd. Seuil, coll. « Bibliothèque Calvino », 2001  (ISBN 2-02-025687-8), p. 84


Mon bureau est comme une île : il pourrait se trouver ici comme dans un autre pays.
  • « Ermite à Paris », dans Ermite à Paris: pages autobiographiques, Italo Calvino (trad. Jean-Paul Manganaro), éd. Seuil, coll. « Bibliothèque Calvino », 2001  (ISBN 2-02-025687-8), p. 86


Il y a un point invisible, anonyme, qui est celui à partir duquel on écrit, et c'est pour cela qu'il m'est difficile de définir le rapport entre le lieu où j'écris et la ville qui l'entoure. Je peux très bien écrire dans les chambres d'hôtel, dans cette sorte d'espace abstrait, anonyme, que sont les chambres d'hôtel, où je retrouve devant moi la page blanche, sans alternative, sans issue. Ou peut-être est-ce là une condition idéale valable surtout quand j'étais plus jeune, et que le monde était là, juste au-delà de la porte, avec sa densité de signes; il m'accompagnait partout, il avait tellement de consistance qu'il me suffisait de m'en écarter d'un pas pour pouvoir écrire sur lui. A présent quelque chose a dû changer, je n'écris bien que dans un endroit qui m'appartient, avec des livres à portée de la main, comme si j'avais besoin de consulter toujours on ne sait trop quoi. Ce n'est peut-être pas pour les livres en eux-mêmes, mais pour une sorte d'espace intérieur qu'ils forment, comme si je m'identifiais à ma bibliothèque idéale.
  • « Ermite à Paris », dans Ermite à Paris: pages autobiographiques, Italo Calvino (trad. Jean-Paul Manganaro), éd. Seuil, coll. « Bibliothèque Calvino », 2001  (ISBN 2-02-025687-8), p. 89-90


Paris est une œuvre de consultation gigantesque, c'est une ville que l'on consulte comme une encyclopédie : dès la première page, elle donne toute une série d'informations, d'une richesse qu'aucune autre ville n'égale.
  • « Ermite à Paris », dans Ermite à Paris: pages autobiographiques, Italo Calvino (trad. Jean-Paul Manganaro), éd. Seuil, coll. « Bibliothèque Calvino », 2001  (ISBN 2-02-025687-8), p. 90


Ma rencontre matérielle avec l'Amérique a été une expérience vraiment belle : New York est une de mes villes, et en effet, toujours pendant les années soixante, dans Cosmicomics, mais aussi dans Temps zéro, il y a des récits qui se déroulent justement à New York. De l'autre côté de l'Atlantique je sens que j'appartiens à la majorité des Italiens qui vont en Amérique avec beaucoup de facilité - désormais on en compte des millions et des millions - et non de la minorité qui reste en Italie ; peut-être parce que la première fois où je suis allé en Amérique avec mes parents j'avais un an. Quand je suis revenu aux États-Unis à l'âge adulte, j'avais un grant de la Ford Foundation qui me donnait le droit de parcourir les États-Unis en long et en large, sans aucune obligation; évidemment j'en ai fait le tour, j'ai voyagé dans le Sud, et même en Californie, mais je me sentais très new-yorkais : New York est ma ville.
  • Entretien avec Ugo Rubeo, Palerme, septembre 1984, publié en dans Mal d’America. Da mito a realtà, Ruiniti, 1987 .
  • « New York est ma ville », dans Ermite à Paris: pages autobiographiques, Italo Calvino (trad. Jean-Paul Manganaro), éd. Seuil, coll. « Bibliothèque Calvino », 2001  (ISBN 2-02-025687-8), p. 175


La ville que j'ai sentie comme ma ville plus que n'importe quelle autre est New York. J'ai même écrit une fois, en imitant Stendhal, que je voulais que sur ma tombe on écrive « new-yorkais ». Cela avait lieu en 1960. Je n'ai pas changé d'avis, bien que depuis ce temps-là j'aie vécu la plupart du temps à Paris, ville dont je ne me détache que pour de brèves périodes et où peut-être, si j'ai la possibilité de choisir, je mourrai. Mais chaque fois que je vais à New York, je la trouve plus belle et plus proche d'une forme de ville idéale. Peut-être parce que c'est une ville géométrique, cristalline, sans passé, sans profondeur, apparemment sans secrets; raison pour laquelle c'est la ville qui en impose le moins, la ville dont je peux avoir l'illusion que je la maîtrise avec l'esprit, que je peux la penser tout entière au même instant.
  • (it) Maria Corti (it), « Intervista: Italo Calvino », Autografo, vol. 2, no6, octobre 1985, p. 47-53 .
  • « Entretien avec Maria Corti », dans Ermite à Paris: pages autobiographiques, Italo Calvino (trad. Jean-Paul Manganaro), éd. Seuil, coll. « Bibliothèque Calvino », 2001  (ISBN 2-02-025687-8), p. 183


Pour moi, les processus de l’imagination suivent des itinéraires qui coïncident pas toujours avec ceux de la vie. Le paysage natal et familial est celui qu’on ne peut repousser ou cacher; San Remo (it) continue à ressortir dans mes livres, dans les perspectives et les raccourcis les plus divers, surtout vu du haut, et la ville est particulièrement présente dans un certain nombre des Villes invisibles. Naturellement je parle de San Remo tel qu'il était il y a trente ou trente-cing ans, et surtout il y a cinquante ou soixante ans, quand j'étais enfant. Toute investigation ne peut que partir de ce noyau d'où se développent l'imagination, la psychologie, le langage ; cette persistance est en moi aussi forte que l'a été dans ma jeunesse la poussée centripète qui s'est révélée très tôt sans retour, parce que les lieux ont rapidement cessé d'exister.
  • « Entretien avec Maria Corti », dans Ermite à Paris: pages autobiographiques, Italo Calvino (trad. Jean-Paul Manganaro), éd. Seuil, coll. « Bibliothèque Calvino », 2001  (ISBN 2-02-025687-8), p. 183-184


Défis aux labyrinthes[modifier]

Le métier d’écrire[modifier]

L’éditeur Einaudi a coutume de mettre sur la couverture de ses livres des reproductions de tableaux ou de dessins de peintres modernes célèbres. Pour mon livre, il a choisi ce dessin de Paul Klee qui peut suggérer la vision d’une ville, très mouvementée et nerveuse. Cela m’a fait plaisir car Klee est l’un des peintres que j’aime le plus au monde[7].
  • Le métier d’écrire, Italo Calvino (trad. Christophe Mileschi et Martin Rueff), éd. Gallimard, 2023  (ISBN 978-2-07-014006-0), p. 629 (lettre 263)


Je veux que la valeur de mes livres tienne à ce qui est écrit : rien de plus, rien de moins. Et pas au fait qu'ils aient été écrits par moi plutôt que par un autre. C'est pourquoi je laisserai insatisfaites vos curiosités concernant la personne de l'auteur : l'auteur est quelqu'un qui s'assoit à sa table et qui écrit, mais qui en écrivant a en tête - parfois sans y penser - son public, ses lecteurs passés et à venir. Par conséquent, vous êtes vous aussi des auteurs, surtout maintenant que j'ai eu cette correspondance directe avec vous. Je vous considère donc comme mes collaborateurs. Voilà que vous allez vous dire : ce Calvino n'en finit jamais avec ses paradoxes. Sauf que non, je parle sérieusement. Et s'il est vrai que bien souvent je blague, c'est de tout mon cœur que je vous dis combien je vous suis reconnaissant, à vous et à votre excellente enseignante.
  • Lettre aux élèves de Santa Maria a Monte, 12 janvier 1972[9].
  • Le métier d’écrire, Italo Calvino (trad. Christophe Mileschi et Martin Rueff), éd. Gallimard, 2023  (ISBN 978-2-07-014006-0), p. 630-631 (lettre 263)


Autres citations[modifier]

Paul Klee, Le Funambule, 1923, 138[10].
  • (it) Hai detto giusto che Klee[7] è per me molto importante. La pittura mi è servita sempre come spinta a rinnovarmi, come ideale di invenzione libera, di essere sempre se stessi facendo sempre qualcosa di nuovo. In questo senso il nome di Klee mi pare fondamentale.
  • Conversation avec Tullio Pericoli (it), « Furti ad arte », exposition Rubare a Klee, 1980.
  • (it) Saggi: 1945-1985, Italo Calvino, éd. Mondadori, coll. « I meridiani », 1995  (ISBN 88-04-40404-3), t. II, p. 1806


Citations sur[modifier]

Pietro Citati[modifier]

Natalia Ginzburg[modifier]

Cesare Pavese[modifier]

Voir le recueil de citations : Cesare Pavese
À 23 ans, Calvino sait déjà que pour raconter, il n'est pas nécessaire de « créer des personnages », mais qu'il faut savoir transformer des faits en mots. Il le sait de manière allègre, désinvolte, un peu comme un gamin. Il n'a pas peur des mots : tant qu'ils veulent dire quelque chose, tant qu'ils servent à quelque chose, il les dit, il les creuse, il les dénoyaute, il les jette peut-être, comme on jette des sarments sur le feu, mais le but, c'est bien la flamme, la chaleur, la poêle.
  • l’Unità, 26 octobre 1947.
  • « L’amitié, une vie. Le Sentier des nids d’araignée », Cesare Pavese, dans Italo Calvino, Christophe Mileschi et Martin Rueff, éd. L’Herne, 2024  (ISBN 9791031904269), p. 55


Calvino naît au récit au beau milieu de la guerre civile. Ce sont là ses faits, les choses dont il fait des mots. Si l'on affirmait que ce livre, Le Sentier des nids d'araignée (Einaudi, 1947), perdant au concours Mondadori et gagnant au concours de Riccione, est le plus beau récit que nous avons eu sur l'expérience de la Résistance, personne n'essuierait de larmes. On dira alors que l'astuce de Calvino, cet écureuil de la plume, a été de grimper aux arbres, plus par jeu que par peur, et d'observer la vie des Résistants comme une fable des bois, formidable, bigarrée, « différente ».
  • l’Unità, 26 octobre 1947.
  • « L’amitié, une vie. Le Sentier des nids d’araignée », Cesare Pavese, dans Italo Calvino, Christophe Mileschi et Martin Rueff, éd. L’Herne, 2024  (ISBN 9791031904269), p. 55


Notes et références[modifier]

  1. Traduction partielle dans La machine littérature : essais (trad. Michel Orcel et François Wahl), Seuil, (ISBN 2-02-006682-3, lire en ligne). Première traduction intégrale dans Défis aux labyrinthes : textes et lectures critiques (trad. Jean-Paul Manganaro et Michel Orcel, relue et préfacée par Mario Fusco), t. I, Seuil, coll. « Bibliothèque Calvino », (ISBN 2-02-051027-8).
  2. Una pietra sopra, 1980, p. 159-163. Traduction française dans La machine littérature, 1984, p. 69-74, reprise dans Défis aux labyrinthes, I, 2003, p. 188-192.
  3. 3,0 et 3,1 Publiée dans Le Conferenze dell’Associazione Culturale Italiana, XXI, 1967-1968. Una pietra sopra, 1980, « Cibernetica e fantasmi », p. 164-181. Traduction française dans La machine littérature, 1984, « Cybernétique et fantasmes », p. 11-29, reprise dans Défis aux labyrinthes, I, 2003, p. 193-209.
  4. Partiellement publiée dans le Corriere della Sera, 24 décembre 1967, puis Una pietra sopra, 1980, « Il rapporto con la luna », p. 182-183. Première traduction française de Jean-Paul Manganaro dans Défis aux labyrinthes, I, 2003, p. 210-212. Traduction intégrale de la lettre dans Le métier d'écrire, 2023, p. 572-574 (lettre 245).
  5. Una pietra sopra, 1980, p. 186. Première traduction française dans La machine littérature, 1984, p. 33, reprise dans Défis aux labyrinthes, I, 2003, p. 215.
  6. Una pietra sopra, 1980, p. 186-187. Première traduction française dans La machine littérature, 1984, p. 33-34, reprise dans Défis aux labyrinthes, I, 2003, p. 215-216.
  7. 7,0 7,1 et 7,2 Voir :
  8. Repris dans Perché leggere i classici. La première traduction française est publiée une première fois dans : Italo Calvino, La machine littérature : essais, Seuil, 1984 (ISBN 2-02-006682-3) [lire en ligne], p. 141 . Nouvelle traduction sous le titre « Candide ou la vitesse » par Christophe Mileschi dans Pourquoi lire les classiques, Gallimard, coll. « Folio », 2018 (ISBN 978-2-07-045115-9) .
  9. Sur cette lettre, voir note 10 de Sandrine Granat-Robert, « Calvino regarde l’enfance et l’enfance regarde Calvino », Italies, no21, 2017, p. 129–160 (ISSN 1275-7519) [texte intégral, lien DOI (pages consultées le 2024-06-22)] 
  10. Une autre version (1923, 121) de ce Funambule de Klee se trouve notamment en couverture d’une édition italienne de I Racconti.

Voir aussi[modifier]

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