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Citation

Une page de Wikiquote, le recueil des citations libres.

Une citation est un passage emprunté à un auteur qui peut faire autorité.


Nicolas Malebranche, Recherche de la vérité (1674)

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Il est, ce me semble, évident qu'il n'y a que la fausse érudition et l'esprit de polymathie qui ait pu rendre les citations à la mode comme elles ont été jusqu'ici, et comme elles sont encore maintenant chez quelques savants. Car il n'est pas fort difficile de trouver des auteurs qui citent à tous moments de grands passages sans aucune raison de citer […]. La plupart de ceux qui veulent paraître savants se plaisent si fort dans ces sortes de citations qu'ils n'ont quelquefois point de honte d'en rapporter en des langues même qu'ils n'entendent point, et ils font de grands efforts pour coudre dans leurs livres un passage arabe qu'ils ne savent quelquefois pas lire.
  • Recherche de la vérité (1674), Nicolas de Malebranche, éd. Vrin, 1962, t. 1, p. 363


Voltaire, Micromégas

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Pourquoi donc, (…) citez-vous un certain Aristote en grec ? — C'est, répliqua le savant, qu'il faut bien citer ce qu'on ne comprend point du tout dans la langue qu'on entend le moins.


Joseph Joubert, Pensées (~1800)

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Il y a des citations dont il faut faire usage, pour donner au discours plus de force, pour y ajouter des tons plus tranchants, en un mot, pour en fortifier les pleins. Il en est d’autres qui sont bonnes pour y jeter de l’étendue, de l’espace, et, pour ainsi dire, du ciel, par des teintes plus délayées. Telles sont celles de Platon.


Les citations dans mon travail sont comme des brigands sur la route, qui surgissent tout armés et dépouillent le flâneur de sa conviction.
  • Sens unique (précédé de) Enfance berlinoise (et suivi de) Paysages urbains, Walter Benjamin (trad. Jean Lacoste), éd. Maurice Nadeau, 1988  (ISBN 2-86231-077-8), chap. Articles de mercerie, p. 215


Raymond Queneau, Les Fleurs bleues (1965)

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Une bande de nomades, venant du camp, s’arrêtent pour demander quelque chose à Cidrolin ; ils savent dire en français métro. C’est ça ce qu’ils lui demandent. Il répond par gestes.
— Ils commencent à migrer, dit Cidrolin en les regardant s’éloigner. L’automne approche. Mon automne éternel, ô ma saison mentale.
— Pardon ? demanda un passant.
— Je faisais une citation, dit Cidrolin.
— De qui ?
— D’un poète, bien sûr. Vous n’avez pas entendu les douze pieds ?
— Je n’ai pas fait très attention. J’ai cru que vous vouliez me demander un renseignement. L’heure peut-être.
  • Les Fleurs bleues (1965), Raymond Queneau, éd. Gallimard, coll. « Folio », 1978, p. 165


Érik Orsenna, Grand Amour (1993)

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Les citations sont les pilotis de l'écrivain fantôme : sans elles, il s'enfoncerait doucement dans le néant.
  • Grand Amour, Érik Orsenna, éd. Seuil, 1993  (ISBN 2020208407), p. 142


Pierre-Yves Bourdil, Faire la philosophie (1996)

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Une citation est une figure particulière, inaccomplie mais indispensable. Elle ouvre un écart entre ce qu'on vient de dire et ce qu'on va dire. [...] Elle suggère une incomplétude tant il lui manque de contexte, et elle complète le sens au sein duquel elle s'inscrit. […] La citation met de l'intrigue dans la pensée. Elle signale. Elle oblige au dialogue.
  • Faire la philosophie, Pierre-Yves Bourdil, éd. Les Éditions du Cerf, 1996  (ISBN 2-204-05438-0), p. 37


Michel Onfray, Contre-histoire de la philosophie I. Les sagesses antiques (2006)

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La citation obéit toujours à un principe d’enrégimentement. Utilisée à des fins hagiographiques, critiques ou dépréciatives, elle illustre, témoigne à charge ou à décharge, mais toujours elle bénéficie à l’usager.
  • Contre-histoire de la philosophie I. Les sagesses antiques, Michel Onfray, éd. Grasset, 2006  (ISBN 2246647916), p. 31


Antoine Compagnon, La seconde main, ou le travail de la citation (1979)

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Lorsque je cite, j'excise, je mutile, je prélève.
  • La seconde main, ou le travail de la citation, Antoine Compagnon, éd. Seuil, 1979  (ISBN 2020050587), p. 17


Le fragment élu se convertit lui-même en texte, non plus morceau de texte, membre de phrase ou de discours, mais morceau choisi, membre amputé; point encore greffe, mais déjà organe découpé et mis en réserve. Car ma lecture n'est ni monotone ni unifiante; elle fait éclater le texte, elle le démonte, elle l'éparpille. C'est pourquoi, même si je ne souligne quelque phrase ni la déporte dans mon calepin, ma lecture procède déjà d'un acte de citation qui désagrège le texte et détache du contexte.
  • La seconde main, ou le travail de la citation, Antoine Compagnon, éd. Seuil, 1979  (ISBN 2020050587), p. 17-18


Répétition, mémoire, imitation : une constellation sémantique où il conviendra de cerner la place de la citation.
  • La seconde main, ou le travail de la citation, Antoine Compagnon, éd. Seuil, 1979  (ISBN 2020050587), p. 18


Toute citation est – au fond ou de surcroît ? – une métaphore.
  • La seconde main, ou le travail de la citation, Antoine Compagnon, éd. Seuil, 1979  (ISBN 2020050587), p. 19


L'objet assignable que j'expulse du texte afin de le conserver en souvenir d'une passion (celle de la sollicitation), cet objet n'est lui-même qu'un déchet, un rejeton, un leurre, un fétiche et un simulacre qui s'adjoint à mon magasin de couleurs.
  • La seconde main, ou le travail de la citation, Antoine Compagnon, éd. Seuil, 1979  (ISBN 2020050587), p. 24-25


« Qu’est-ce que la citation ? » On pourrait presque trouver chez chaque auteur une réponse. « La citation, pour moi c’est… » : autrement dit, j’investis la citation de telle valeur ; lorsque je cite, je veux (dire) ceci. Soit une réponse, celle d’Aulu-Gelle : citer quelqu’un, c’est en faire l’éloge […]. Aux antipodes, celle de Claude Mauriac : « La citation, c’est le piège à con. » Mais qui est le con dans l’histoire ? La personne citée, le destinataire (l’auditeur, le lecteur), à moins que ce soit le citateur.
  • La seconde main, ou le travail de la citation, Antoine Compagnon, éd. Seuil, 1979  (ISBN 2020050587), p. 49


Il n’y a pas à interroger une citation sur sa vérité. L’alternative du vrai et du faux ne la concerne pas et le citateur aurait beau jeu de répondre : c’est écrit. Cela ne veut pas dire : c’est écrit, c’est donc vrai ; mais : c’est écrit sans plus. Et cela suffit à déplacer la question de la vérité. D’où le pouvoir extraordinaire de la citation.
  • La seconde main, ou le travail de la citation, Antoine Compagnon, éd. Seuil, 1979  (ISBN 2020050587), p. 88-89


L'élément formel de la citation, libre de ses fonctions éventuelles, est la répétition des mots d'autrui. Comme telle, elle dépend, selon les catégories platoniciennes, de la mimesis, et ne peut être assimilée qu'au simulacre.
  • La seconde main, ou le travail de la citation, Antoine Compagnon, éd. Seuil, 1979  (ISBN 2020050587), p. 125


Tandis que l'énonciation est un procès d'appropriation de la langue, la citation est un procès d'appropriation du discours, du Fonds littéraire comme l'appelait Mallarmé. Or, si la langue est du domaine public et n'appartient à personne, le discours relève de la propriété privée.
  • La seconde main, ou le travail de la citation, Antoine Compagnon, éd. Seuil, 1979  (ISBN 2020050587), p. 360


Autrement dit, la beauté ne peut s’alléguer que sous forme d’une citation.
  • S/Z, Roland Barthes, éd. Seuil, 1970, p. 40


Une citation est un morceau d’écrivain de la même façon qu’un détail de peinture est un morceau de peintre. Elle peut ne pas être représentative.
  • Dictionnaire égoïste de la littérature française, Charles Dantzig, éd. Grasset, 2005, p. 178


D’une certaine façon, toute citation est malhonnête, car elle extrait une phrase d’un ensemble dont le rythme et les contrastes contribuent à lui donner une valeur.
  • Dictionnaire égoïste de la littérature française, Charles Dantzig, éd. Grasset, 2005, p. 179


Alain Finkielkraut, Pêcheur de perles (2024)

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Walter Benjamin collectionnait amoureusement les citations. Dans la magnifique étude qu'elle lui a consacrée, Hannah Arendt[1] compare ce penseur inclassable à un « pêcheur de perles qui va au fond des mers “pour en arracher le riche et l'étrange” ». Subjugué par cette image, je me suis plongé dans les carnets de citations que j'accumule pieusement depuis plusieurs décennies. J'ai tiré de ce vagabondage les phrases qui me font signe, qui m'ouvrent la voie, qui désentravent mon intelligence de la vie et du monde. Et plutôt que de les mettre au service d’une thèse ou d’une démonstration, je me suis laissé guider par elles, sans idée préconçue. Ces phrases n’étaient pas pour moi des ornements, mais des offrandes. Elles ne décoraient pas la pensée, elles la déclenchaient ; elles ne l’illustraient pas, elles l’arrachaient au sommeil. [...] Dans leur sillage [celui des auteurs cités], j'ai essayé de penser à nouveaux frais l'expérience de l'amour, la mort, les avatars de la civilité, le destin de l'Europe, la fragilité de l'humour, le monde comme il va et surtout comme il ne va pas.
  • Pêcheur de perles, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, 2024  (ISBN 978-2073048981), p. extraite du prologue, reprise en 4e de couverture et en exergue d'un entretien avec l'auteur sur le site de l'éditeur[2].


Divers

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François, le chauffeur : C'est toujours les mêmes qu'on cite, pas étonnant qu'ils soient connus.


Notes et références

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  1. Cette « magnifique étude » qu'Arendt a consacrée à son ami Benjamin a été publiée en traduction française dans : Hannah Arendt, Vies politiques [« Men in dark times »], Gallimard (1re éd. 1974)  (voir « Pêcheur de perles d'Alain Finkielkraut. Entretien », sur gallimard.fr) ; la troisième partie de l’étude s’intitule d’ailleurs « Le pêcheur de perles » (voir la « recension du livre d'Alain Finkielkraut », sur philomag.com). L'étude a été republiée seule dans : Hannah Arendt (trad. Agnès Oppenheimer-Faure et Patrick Lévy), Walter Benjamin 1892-1940, Allia (1re éd. 2007) . Voir des extraits ici-même : Hannah Arendt#Walter Benjamin, 1892-1940.
  2. « Pêcheur de perles d'Alain Finkielkraut. Entretien », sur gallimard.fr

Voir aussi

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