Alain Finkielkraut
Alain Finkielkraut est un philosophe français, écrivain et auteur de nombreux essais, né à Paris le .
Ouvrages
[modifier]Le Juif imaginaire, 1980
[modifier]- Le Juif imaginaire, Alain Finkielkraut, éd. Seuil, 1980 (ISBN 2-02-006416-2), p. 10
La Sagesse de l'amour, 1984
[modifier]- La Sagesse de l'amour, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, 1984 (ISBN 2-07-032469-9), partie Introduction, chap. Il existe, dans de nombreuses langues…, p. 11 (voir la fiche de référence de l'œuvre)
- La Sagesse de l'amour, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, 1984 (ISBN 2-07-032469-9), partie II, chap. La souffrance, p. 71 (voir la fiche de référence de l'œuvre)
- La Sagesse de l'amour, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, 1984 (ISBN 2-07-032469-9), partie II, chap. L'emprise, p. 73 (voir la fiche de référence de l'œuvre)
- La Sagesse de l'amour, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, 1984 (ISBN 2-07-032469-9), partie V, chap. Le nez ethnique, p. 18 (voir la fiche de référence de l'œuvre)
- La Sagesse de l'amour, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, 1984 (ISBN 2-07-032469-9), partie II, chap. L'emprise, p. 198 (voir la fiche de référence de l'œuvre)
L'Humanité perdue : essai sur le XXe siècle, 1996
[modifier]- L'Humanité perdue : essai sur le XXe siècle, Alain Finkielkraut, éd. Le Seuil, 1996, p. 147
L'Ingratitude. Conversation sur notre temps, 1999
[modifier]- L'Ingratitude. Conversation sur notre temps, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, 1999 (ISBN 2-07-075478-2), p. 136
- Citation choisie pour le 2 octobre 2010.
Une voix vient de l'autre rive, 2000
[modifier]« Le présent, c'est-à-dire la quotidienneté ambiante, nous assiège de toutes parts et ne cesse de nous convier à l'oubli des choses révolues », écrit Vladimir Jankélévitch. Nul besoin donc de venir en aide au présent puisqu'il est toujours là. Nul besoin de prêcher l'oubli aux hommes : il leur suffit de se laisser faire et de céder aux sollicitations de l'actuel, c'est-à-dire à la loi du plus fort.
- Une voix vient de l'autre rive, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, 2000 (ISBN 2-07-075888-5), p. 11
Oublier, c'est obéir ; oublier, c'est suivre le mouvement. Le passé, en revanche, doit être retenu par la manche comme quelqu'un qui se noie. Ce qui fut n'a, dans l'être, que la place que nous lui donnons. Les défunts sont sans défense et dépendent de notre bon vouloir.
- Une voix vient de l'autre rive, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, 2000 (ISBN 2-07-075888-5), p. 11
Que faire, maintenant que la mémoire de la Shoah n’a plus d’ennemis dangereux, pour en soustraire l’exercice à ses ennemis désinvoltes et inquiétants ? Que faire pour éviter à la fois la crispation et la manipulation ? Ceci au moins : tendre l’oreille ; accueillir les voix venues de l’autre rive. Seul un surcroît d’attention permet de déjouer les pièges. Attention à la plainte déposée en 1933 à Genève par un Juif de haute Silésie nommé Bernheim et au silence assourdissant des nations. Attention à la douleur sans fond des persécutés et à leur volonté de ne pas s’y laisser réduire. Attention au sort atroce des Juifs de Terezin et à leur amour obstiné de l’art.
- Une voix vient de l'autre rive, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, 2000 (ISBN 2-07-075888-5), p. 111
La culture humaniste qui n’est pas une garantie d’humanité ni de courage peut même, dans les situations extrêmes, faciliter la veulerie ou la bassesse en étouffant la mauvaise conscience sous l’édredon des beaux arguments. Mais quand l’esprit de la démocratie mobilise le plus horrible des crimes pour dénoncer la culture elle-même comme déni barbare de l’égalité ou de l’altérité, c’est sa propre barbarie qui affleure et qui inflige aux Juifs de Terezin une blessure bien plus grave que l’oubli.
- Une voix vient de l'autre rive, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, 2000 (ISBN 2-07-075888-5), p. 123
L'imparfait du présent, 2002
[modifier]Le paradoxe du nouvel ordre hédoniste et spontanéiste consiste à dénoncer les incivilités tout en disqualifiant les dernières manifestations de cette crainte au nom des droits de l'homme.
- L'imparfait du présent, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2002 (ISBN 2-07-030447-7), p. 50
C'est Dieu qui est au clair, c'est Dieu qui voit tout, pas nous. Nous, comme dit admirablement Kundera, nous avançons dans le brouillard. La finitude est notre lot. Nous cherchons, nous tâtonnons, actuellement comme autrefois, et rien n'est plus redoutable que l'oubli du brouillard qui nous enveloppe. Rien n'est plus néfaste que l'illusion de la clarté. Notre ivresse n'est aussi aveuglante que la certitude absolue.
- L'imparfait du présent, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2002 (ISBN 2-07-030447-7), p. 67
L'effusion supprime tout intervalle. Vestige des temps barbares où sévissait l'hétéronomie, l'ascendant des anciens maîtres cède la place à la sollicitude de l'adulte fraternel et copain. Là où il y avait hiérarchie des rôles, il y a désormais proximité des personnes. Le professeur qui ouvrait un monde à ses élèves est congédié pour déficit démocratique et supplanté par le moniteur qui a noué des liens d'affection avec les gamins. Et pour bien montrer que le cœur est aux commandes, le toucher prend symboliquement la relève de la parole.
- L'imparfait du présent, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2002 (ISBN 2-07-030447-7), p. 70
Il n'y a pas de défaut dans la cuirasse des heureux du monde postsoixante-huitard. Ils ont le stéréotype sulfureux, le cliché rebelle, la doxa dérangeante et bien meilleure conscience encore que les notables du musée de Bouville décrits par Sartre dans La Nausée. Car ils occupent toutes les places : celle, avantageuse, du Maître et celle, prestigieuse, du Maudit. Ils vivent comme un défi héroïque à l'ordre des choses leur adhésion empressée à la norme du jour. Le dogme, c'est eux ; le blasphème aussi. Et pour faire acte de marginalité, ils insultent en hurlant leurs très rares adversaires. bref, ils conjuguent sans vergogne l'euphorie du pouvoir avec l'ivresse de la subversion. Salauds.
- L'imparfait du présent, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2002 (ISBN 2-07-030447-7), p. 114
Mitterrand brûle en enfer, mais l'esprit de la génération Mitterrand souffle sur notre monde comment l'attestent les tirades enflammées contre la messe en latin ou le fascisme à la française de ceux qui, par ailleurs, "exaltent le vacarme mass-médiatique, le sourire imbécile de la publicité, l'oubli de la nature, l'indiscrétion élevée au rang de vertu", et que Kundera appelle les collabos de la modernité.
- L'imparfait du présent, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2002 (ISBN 2-07-030447-7), p. 122
L'homme des droits de l'homme se regarde, émerveillé, comme l'aboutissement de l'homme. Et il le fait savoir. Fier, à s'en tambouriner la poitrine, d'avoir vaincu le principe hiérarchique, imbu de sa ferveur antidiscriminatoire, ivre de sa tolérance aux différences, il instruit le procès pour intolérance de toutes les formes de vie et de pensée qui diffèrent des siennes. Sûr que rien d'humain ne lui est étranger, et qu'il est le seul dans ce cas, il devient étranger à tout ce qui est humain. Au nom de son ouverture d'esprit et de cœur avec l'altérité, il s'aime d'une passion exclusive : qui d'autre que lui combat l'exclusion sous tous ses aspects ?
- L'imparfait du présent, Alani Finkielkraut, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2002 (ISBN 2-07-030447-7), p. 136
L'un de nos plus éminents philosophes qui est aussi arrière-grand-père passait cet été ses vacances en famille. Le papa de l'un de ses arrière-petits-enfants lui dit un jour : « Tu sais, grand-père, je ne peux pas lire tes livres, tu utilises des mots trop compliqués. » Etonné, mais bienveillant, le philosophe prit le temps de la réflexion et répondit qu'il ne se souvenait pas d'avoir forgé ni même employé dans ses écrits un seul néologisme. « C'est quoi un néologisme, grand-père? »
- L'imparfait du présent, Alani Finkielkraut, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2002 (ISBN 2-07-030447-7), p. 250
Nous autres, modernes, 2005
[modifier]- Nous autres, modernes : quatre leçons, Alain Finkielkraut, éd. Ellipses, 2005 (ISBN 2-7298-2528-2), partie I, chap. IV, p. 57 (voir la fiche de référence de l'œuvre)
- Nous autres, modernes : quatre leçons, Alain Finkielkraut, éd. Ellipses, 2005 (ISBN 2-7298-2528-2), partie I, chap. VI, p. 82-83 (voir la fiche de référence de l'œuvre)
- Nous autres, modernes : quatre leçons, Alain Finkielkraut, éd. Ellipses, 2005 (ISBN 2-7298-2528-2), partie I, chap. VI, p. 83 (voir la fiche de référence de l'œuvre)
- Nous autres, modernes : quatre leçons, Alain Finkielkraut, éd. Ellipses, 2005 (ISBN 2-7298-2528-2), partie IV, chap. I, p. 293 (voir la fiche de référence de l'œuvre)
- Nous autres, modernes : quatre leçons, Alain Finkielkraut, éd. Ellipses, 2005 (ISBN 2-7298-2528-2), partie IV, chap. I, p. 285 (voir la fiche de référence de l'œuvre)
- Citation choisie pour le 20 octobre 2019.
Un cœur intelligent , 2009
[modifier]- Un cœur intelligent, Alain Finkielkraut, éd. Stock/Flammarion, 2009 (ISBN 978-2-234-06259-7), p. 10
À la première personne, 2019
[modifier]Au tout début, était le conformisme.
En mai 1968, comme la majorité de ceux qu'on commençait à appeler, avec une tendresse où perçait déjà la déférence, les « jeunes », j'ai été happé puis porté par la vague. J'ai défilé bruyamment, j'ai vaillamment contesté, j'ai couru à perdre haleine ; j'ai puisé, pour mes premières interventions, dans un lexique qui m'était encore étranger au mois d'avril ; je me suis mis, d'un seul coup comme tout le monde, à utiliser le mot « camarade », j'ai prêté allégeance à l'époque par ma rébellion même contre les diverses formes d'autorité, j'ai rejeté les modèles du monde ancien pour mieux imiter les gens de mon âge, j'ai rompu avec la tradition et pris le parti de l'insoumission bien au chaud dans la foule, et j'ai, sur la lancée, poussé le zèle jusqu'à vouloir précéder le mouvement en militant, pendant quelques années, à la gauche du gauchisme. De là, je pouvais tancer les tièdes sans risquer de subir moi-même les foudres du surmoi révolutionnaire.
- Incipit
- À la première personne, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, 2019 (ISBN 978-2-07-285319-7), p. 15
À la date où il écrit, Lévinas ne peut rien deviner de la percée théorique qu'allaient opérer les études de genre qui triomphent aujourd'hui dans toutes les universités du monde occidental. Il ignore, le malheureux, que la différence des sexes est une pure construction sociale, et qu'une fois les vieux stéréotypes réduits en poussière par le patient travail de la déconstruction, chacun pourra décider souverainement de son identité. Il n'est pas outillé mentalement pour penser comme il faut. Nous souffrons alors de la même infirmité. Nous partageons, toutes proportions gardées, sa façon de voir et de ressentir. Pour nous aussi, gros bêtas que nous sommes, l'homme et la femme, cela fait deux. Non qu'il y ait, dans notre esprit, un premier et un deuxième sexe : cette hiérarchisation n'est pas la nôtre. Loin de nous rengorger de notre masculinité, nous en révélons la caractère dérisoire. Dans le sillage de Fourier, nous jugeons le progrès d'une civilisation à la place faite aux femmes, mais nous défendons avec la même fermeté l'idée que personne ne sera jamais en mesure de vivre à lui seul le tout de l'expérience humaine.
- À la première personne, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, 2019 (ISBN 978-2-07-285319-7), p. 20
Entre le déporté et le fils de déporté, l'abîme est infranchissable. On ne porte pas le pyjama rayé ni l'étoile jaune de génération en génération. Le témoin ne passe pas le témoin, il laisse un vide. Voilà ce que j'ai compris et ma posture, à la lumière de la mort annoncée des miens, m'est apparue comme sacrilège.
- À la première personne, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, 2019 (ISBN 978-2-07-285319-7), p. 28
J'ai cessé de confondre fidélité et fanfaronnade, je ne me raconte plus d'histoires. Je sais ce qui me sépare des séparés, mais j'ai fait mien leur « plus jamais ça ». Je revendique hautement cet héritage et c'est pour moi un continuel sujet d'émerveillement de voir le minuscule État où s'expriment toutes les dissensions de l'âme juive tenir tête depuis sa naissance aux ennemis qui l'entourent. L'amour cependant ne me rend pas aveugle : n'en étant pas à voir ce que je crois mais croyant ce que je vois, je plaide depuis bientôt quarante ans pour la fin de l'occupation et la solution à deux États.
- À la première personne, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, 2019 (ISBN 978-2-07-285319-7), p. 46, 47
J'avais besoin d’œuvres qui fassent signe au-delà d'elles-mêmes. Et voici Kundera qui arrive et qui, sans avoir l'air d'y toucher, redistribue les rôles. Il assigne au roman la mission que je croyais réservée à quelques philosophes et, insensible au charme de la rupture, vacciné par son expérience historique contre la volonté de faire table rase du passé, il donne du modernisme une définition que je n'avais jamais entendue : « Avancer, par de nouvelles découvertes, sur la route héritée. »
- À la première personne, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, 2019 (ISBN 978-2-07-285319-7), p. 55, 56
Je dois au poètes et aux penseurs d'Europe centrale la prise de conscience de mon appartenance et de mon attachement à la civilisation européenne. Avant de les lire et, pour certains, de les fréquenter, je pensais, avec Julien Benda, qu'il n'y avait pas d' Être européen. Pour moi, le propre de l'Europe, c'était de ne pas avoir de propre et de se définir par des principes abstraits et universels. L'Europe avait inventé les droits de l'homme. Il fallait aujourd'hui qu'elle se reconnaisse dans cette seule invention car on savait à quoi avait mené l'absolutisation des différences collectives. Le devoir de mémoire commandait à l'Europe de préparer la venue d'une humanité que ne romprait aucune séparation intérieure et de donner l'exemple en se séparant d'elle-même et de sa ténébreuse histoire. Il lui incombait d'abandonner l'identité pour les valeurs. La civilisation européenne ayant enfanté coup sur coup deux guerres monstrueuses, le temps était venu de lui substituer, pour assurer la paix, les normes et les procédures de la construction européenne.
- À la première personne, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, 2019 (ISBN 978-2-07-285319-7), p. 61
La dépêche finit par ces mots : « Nous mourrons pour la Hongrie et pour l'Europe. » Que voulait dire cette phrase ? Elle voulait certainement dire que les chars russes mettaient en danger la Hongrie, et avec elle l'Europe. Mais dans quel sens l'Europe était-elle en danger ? Les chars russes étaient-ils prêts à franchir les frontières hongroises en direction de l'ouest ? Non. Le directeur de l'agence de presse de Hongrie voulut dire que l'Europe était visée en Hongrie même. Il était prêt à mourir pour que la Hongrie restât Hongrie et restât Europe.
Quel choc ! Moi qui, échaudé par les cataclysmes du XXe siècle, tenais pour suspectes toutes les patries charnelles, Israël excepté, je tombais des nues.
- À la première personne, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, 2019 (ISBN 978-2-07-285319-7), p. 62, 63
Les professeurs vont faire cours la peur au ventre, les policiers, les gendarmes mais aussi les pompiers, les médecins, les infirmières sont régulièrement pris pour cible, les actes et les gestes de rupture avec le reste de la nation se multiplient, le désaveu de la culture d'accueil s'atteste jusque dans les tenues vestimentaires et le vacarme de certaines célébrations nuptiales. Impossible, quels que soient les efforts herméneutiques déployés, de faire rentrer au bercail d'une France insoumise ces conduites d'insoumissions à la France. Pour le dire avec les mots d'Élisabeth Badinter : « Une seconde société tente de s'imposer insidieusement dans notre République, tournant le dos à celle-ci, visant explicitement le séparatisme voire la sécession. »
- À la première personne, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, 2019 (ISBN 978-2-07-285319-7), p. 65
Péguy eut le pressentiment de ce qui advient : la culture, à son tour, cède la place. Mais il ignorait qu'elle serait détrônée par son homonyme. Ni vu ni connu, le cultivé disparaît dans le culturel, et ce qui caractérise cette nouvelle entité, c'est sa faculté d'englobement. Ne laissant pas la plus petite miette à la nature, elle couvre le champ entier de l'expérience, elle avale goulûment l'intégralité du phénomène humain. Elle n'a pas d'autre, pas de dehors assignable ; aucune pratique ne lui est extérieure ou antérieure, aucune manière d'être ou de se sentir ne se situe en deçà ou au-delà de sa juridiction. On n'accède pas à la culture par l'entremise des livres et des maîtres, on y baigne, on est dedans, quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse. Il n'est rien qui ne mérite cette appellation naguère encore très contrôlée. L'inculture a disparu d'un coup de baguette savante : « Tout est culturel », proclament les sciences sociales, et l'on en déduit que tout rap est musique, tout dégueulis verbal, poésie, toute obscénité, fleur du mal. Nul ne pouvait naguère sortir de la mare où il végétait en se tirant lui-même les cheveux comme le baron de Munchhausen. Aujourd'hui, la culture, c'est la mare. Plus besoin donc de s'élever pour s'en approcher. Le mot qui indiquait à la fois le chemin et la destination canonise désormais le déjà-là, quelque forme qu'il prenne.
- À la première personne, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, 2019 (ISBN 978-2-07-285319-7), p. 71, 72
Notre société, qui compte de plus en plus d'ennemis déclarés parmi les populations qui la rejoignent, combat sous les noms d' élitisme et d' ethnocentrisme la prédilection pour ses trésors. Voyant dans le passé non une ressource mais une contrainte, elle rompt — de la fidélité à la nostalgie — tous les liens qui l'y rattachent encore, elle se vide, elle se déleste de soi au moment précis où elle est attaquée pour ce qu'elle représente.
- À la première personne, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, 2019 (ISBN 978-2-07-285319-7), p. 75
Au fanatisme islamique, la France et l'Europe répondent pas le nihilisme égalitaire. Depuis La défaite de la pensée, je m'efforce de combattre l'un sans rien céder à l'autre. La bataille n'est pas gagnée. On peut même affirmer, sans verser dans le catastrophisme, que les chances de succès sont minces.
- À la première personne, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, 2019 (ISBN 978-2-07-285319-7), p. 76
J'accepte la polémique, je ne crains pas la contradiction, mais le reste, c'est-à-dire les avanies des porte-parole déshumanisés de l'humanité souffrante, je n'arrive pas à m'y faire. Je résiste pourtant aux assauts de l'« à quoi bon » et au rêve d'Ecosse : je continue, je m'obstine, j'aggrave mon cas pour une raison toute simple, admirablement formulée par Léon Werth dans le Journal qu'il a tenu durant l'occupation allemande. À la date du , le grand ami juif de Saint-Exupéry écrit : « Je tiens à une civilisation, à la France. Je n'ai pas d'autre façon de m'habiller. Je ne peux pas sortir tout nu. »
- À la première personne, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, 2019 (ISBN 978-2-07-285319-7), p. 78, 79
Rien, en d'autres termes, n'échappe à l'emprise du Gestell. Rien, pas même la langue. Celle-ci est placée d'emblée et sans réserve dans l'horizon de la raison opérationnelle. On ne la conçoit plus comme civilisation, mais comme service. C'était un don et un héritage, c'est, dans un monde où tout ne fonctionne pas mais où tout est fonctionnement, un moyen de communication et d'information. C'était une tradition, c'est devenu un support de l'échange. L'esprit de la technique a chassé et supplanté le génie de la langue. L'idée qu'on puisse aimer, c'est-à-dire sauvegarder, soigner, servir, honorer, écouter la langue a perdu tout sens. Qui irait s'éprendre d'une fonction ? Il n'y a plus de place pour l'émerveillement ou le remerciement à l'ère de la réquisition totale.
- À la première personne, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, 2019 (ISBN 978-2-07-285319-7), p. 85
Amuseurs, commentateurs ou penseurs, ils prétendent incarner la dissidence alors même qu'ils font la pluie et le beau temps dans la société et ils accusent l'Académie française de dicter sa loi, alors que cette institution est toujours plus décriée, fragile et vulnérable, comme la langue qu'elle refuse, avec une touchante obstination, d'abandonner sans coup férir à la technique. En raison même de cette faiblesse et de cette ténacité, je me sens, malgré mes trop évidentes lacunes, à ma place quai Conti. Je regrette seulement qu'on nous désigne encore sous le nom particulièrement inopportun d'« Immortels ». Si nous sommes là, c'est, pour le dire avec les mots magnifiques de Rainer Maria Rilke, parce que « le périssable nous réclame et a besoin de nous […], nous périssables plus que tout. »
- À la première personne, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, 2019 (ISBN 978-2-07-285319-7), p. 90, 91
Ce qui définit le tourisme contemporain, c'est bien pourtant l'arraisonnement et l'exploitation du patrimoine naturel et culturel. Tout, pour la technique, est gisement.
- À la première personne, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, 2019 (ISBN 978-2-07-285319-7), p. 106
« Seul un dieu peut nous sauver », a dit un jour Heidegger. J'espère, pour ma part, un réveil et un sursaut humains. J'émets le vœu moins oraculaire mais peut-être tout aussi pieux que la politique, c'est-à-dire, selon la définition de Hannah Arendt, l' amor mundi, reprenne ses droits. En attendant cet événement improbable, rien ne m'occupe autant le cœur et l'esprit que la croissante inhabitabilité du monde. Entre la nouvelle fracture sociale et l'empire dévastateur de l'esprit de la technique sur tous les domaines de la réalité, je ne cesse d'en relever les symptômes. Si, malgré la difficulté jamais surmontée, je trouve encore la force d'écrire, c'est sous l'aiguillon de ce tourment.
- À la première personne, Alain Finkielkraut, éd. Gallimard, 2019 (ISBN 978-2-07-285319-7), p. 109, 110
Article
[modifier]Sieyès, Herder, Goethe : l’universel et le national, 1989
[modifier]- « Sieyès, Herder, Goethe : l’universel et le national », Alain Finkielkraut, Le Courier de l’Unesco (ISSN 0304-3118), vol. 42 nº 6, juin 1989, p. 30, 32
- « Sieyès, Herder, Goethe : l’universel et le national », Alain Finkielkraut, Le Courier de l’Unesco (ISSN 0304-3118), vol. 42 nº 6, juin 1989, p. 33
- « Sieyès, Herder, Goethe : l’universel et le national », Alain Finkielkraut, Le Courier de l’Unesco (ISSN 0304-3118), vol. 42 nº 6, juin 1989, p. 33
- « Sieyès, Herder, Goethe : l’universel et le national », Alain Finkielkraut, Le Courier de l’Unesco (ISSN 0304-3118), vol. 42 nº 6, juin 1989, p. 33
Interviews
[modifier]
- Alain Finkielkraut, 18 novembre 2005, dans quotidien israélien Haaretz, paru 18 novembre 2005.
- Le Point 2009, 16 juillet 2009, dans Finkielkraut : « Il ne reste que le parti du sens du poil », Alain Finkielkraut.
- Libération 2008, 26 janvier 2008, dans Mauvaise nouvelle : la démocratie est sortie de son lit, Alain Finkielkraut.
- Phrase extraite de l'entretien accordé le 10 avril 2014 à Jérôme Béglé, journaliste du site Lepoint.fr, après l'annonce de son élection à l'Académie française au premier tour de scrutin, par 16 voix sur 28 suffrages exprimés.
- « Alain Finkielkraut à l'Académie Française : sa première interview », Jérôme Béglé (journaliste) et Alain Finkielkraut, Lepoint.fr, 10 avril 2014 (lire en ligne)
- Interview Europe 1, 9 octobre 2009, dans Finkielkraut défend Polanski : à treize ans, "ce n'était pas une enfant", Le Nouvel Observateur, Alain Finkielkraut : À propos du viol par Roman Polanski d'une adolescente de 13 ans préalablement droguée.
Citations sur Alain Finkielkraut
[modifier]- (en) I would actually argue that Finkielkraut is himself the ultimate emblem of the collapse of Western Civilization or at least an evidence of the eradication of the French one.
- Gilad Atzmon (trad. Wikiquote), 20 December 2013, London, dans Alain Finkielkraut, Jews, and Immigration, paru Site de Gilad Atzmon, Gilad Atzmon.
- « Entretien avec Philippe Muray », Philippe Muray, Le Point, nº 1732, 1er décembre 2005 (lire en ligne)
- « Littérature : « La revendication de la laïcité, c’est l’autre nom de l’islamophobie », Emmanuel Todd », Emmanuel Todd, Clique (site de l'émission de télévision), 28 mai 2015 (lire en ligne)
- « Hors-série Books : interview de Benoit Peeters », Benoît Peeters (propos recueillis par la revue Books), Actualitté, 10 avril 2010 (lire en ligne)