Une page de Wikiquote, le recueil des citations libres.
Julien Benda (1867-1956) est un critique, essayiste, philosophe et écrivain français, connu principalement pour son ouvrage La Trahison des clercs, paru en 1927.
Il est d’ailleurs certain que la démocratie n’a pas trouvé – mais est-ce possible ? – de critérium permettant de déterminer à l’avance ceux qui, en raison de cette inégalité naturelle, ont droit dans la cité – les élites – à un rang supérieur. Toujours est-il qu’elle admet cette inégalité, lui fait droit, non seulement en fait mais en principe, alors que les doctrinaires de l’ordre lui substituent une inégalité artificielle, fondée sur la naissance ou la fortune, et se montrent en cela de parfaits violateurs de la justice et de la raison.
(fr)La Trahison des clercs (1927), Julien Benda, éd. Grasset, 1946, chap. Préface à l'édition de 1946, p. 17-18
Nous disions plus haut que la fin logique de ce réalisme intégral professé par l’humanité actuelle, c’est l’entre-tuerie organisée des nations ou des classes.
On en peut concevoir une autre, qui serait au contraire leur réconciliation, le bien à posséder devenant la terre elle-même [...] cependant que la volonté de se poser comme distinct serait transférée de la nation à l'espèce orgueilleusement dressée contre tout ce qui n'est pas elle. [...] On peut penser parfois qu’un tel mouvement s’affirmera de plus en plus et que c'est par cette voie que s'éteindront les guerres interhumaines.
On arrivera ainsi à une « fraternité universelle », mais qui, loin d'être l'abolition de l'esprit de nation avec ses appétits et ses orgueils, en sera au contraire la forme suprême, la nation s'appelant l'Homme et l'ennemi s'appelant Dieu.
Et dès lors, unifiée en une immense armée, en une immense usine, ne connaissant que des héroïsmes, des disciplines, des inventions, flétrissant toute activité libre et désintéressée, bien revenue de placer le bien au-delà du monde réel et n'ayant plus pour dieu qu'elle-même et ses vouloirs, l'humanité atteindra à de grandes choses, je veux dire à une mainmise vraiment grandiose sur la matière qui l'environne, à une conscience vraiment joyeuse de sa puissance et de sa grandeur. Et l'histoire sourira de penser que Socrate et Jésus-Christ sont morts pour cette espèce.
(fr)La Trahison des clercs (1927), Julien Benda, éd. Grasset, 1946, chap. dernier, p. 217
Il était réservé à notre temps de voir des hommes de pensée ou qui se disent tels faire profession de ne soumettre leur
patriotisme à aucun contrôle de leur jugement, proclamer (Barrès) que « la patrie eût-elle tort, il faut lui donner raison », déclarer traîtres à leur nation ceux de leurs compatriotes qui gardent à son égard leur liberté d’esprit ou du moins de parole
(fr)La Trahison des clercs (1927), Julien Benda, éd. Grasset, 1946, p. 186
Il paraîtra plaisant de parler de nation européenne à l'heure où certains peuples de l'Europe affirment leur volonté de s'accroître aux dépens de leurs voisins avec une précision que l'histoire n'avait jamais vue, où les autres s'attachent, avec une force accrue d'autant, à conserver leur être menacé, où les moins appétents, parce que les mieux repus, n'admettent pas de résigner la plus petite partie de leur souveraineté. Pourtant, au sein de chacun de ces peuples, il existe des hommes qui veulent unir les peuples, des hommes qui pensent à « faire l’Europe ». C’est à eux que je m’adresse. Souhaitant de donner à leur désir au moins l’incarnation verbale, je les nomme la nation européenne.
(fr)Discours à la Nation Européenne (1933), Julien Benda, éd. Gallimard, 1992, chap. 1, p. 1
Vous ferez l’Europe par ce que vous direz, non par ce que vous serez. L’Europe sera un produit de votre esprit, de la volonté de votre esprit, non un produit de votre être. Et si vous me répondez que vous ne croyez pas à l’autonomie de l’esprit, que votre esprit ne peut être autre chose qu’un aspect de votre être, alors je vous déclare que vous ne ferez jamais l’Europe.
(fr)Discours à la Nation Européenne (1933), Julien Benda, éd. Gallimard, 1992, chap. 5, p. 54-55
L’Europe n’aura de portée morale que si, loin d’être une fin à elle‑même, elle n’est qu’un moment de notre retour en Dieu, où doivent sombrer tous les distincts, avec tous les orgueils et tous les égoïsmes.
(fr)Discours à la Nation Européenne (1933), Julien Benda, éd. Gallimard, 1992, chap. 11, p. 104
Vous pouvez également consulter les articles suivants sur les autres projets Wikimédia :