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L'esclavage désigne les conditions sociales des esclaves, des travailleurs non libres et généralement non rémunérés qui sont juridiquement la propriété d'une autre personne et donc négociables, au même titre qu'un objet. Au sens large, l'esclavage est le système socio-économique reposant sur le maintien et l'exploitation de personnes dans cette condition. En France, il est considéré comme un crime contre l'humanité.
Ainsi celui-là est esclave par nature qui peut appartenir à un autre (autre lui appartient-il en fait) et qui n’a part à la raison que dans la mesure où il peut la percevoir, mais non la posséder lui-même. Les autres animaux ne perçoivent pas la raison, mais obéissent à des impressions. Quant à leur utilité, la différence est mince : esclaves et animaux domestiques apportent l’aide de leur corps pour les besognes indispensables.
Politique, Aristote (trad. Jean Aubonnet), éd. Les Belles Lettres, coll. « Collection des universités de France (CUF) », 1968, 1254a, p. 18
Il est donc évident qu’il y a par nature des gens qui sont les uns libres, les autres esclaves et que pour ceux-ci la condition servile est à la fois avantageuse et juste.
Politique, Aristote (trad. Jean Aubonnet), éd. Les Belles Lettres, coll. « Collection des universités de France (CUF) », 1968, 1255a, p. 20
Quoi qu'en général les Nègres aient peu d'esprit, ils ne manquent pas de sentiment. Ils sont sensibles aux bons et aux mauvais traitements. Nous les avons réduits, je ne dis pas à la condition d'esclaves, mais à celles de bêtes de sommes; et nous sommes raisonnables! et nous sommes chrétiens!
Denis Diderot, 1765, Encyclopédie, article "Humain", dans Diderot et l'Encyclopédie, paru chez Armand Colin, 1962, p.417, Jacques Proust.
Le droit de l’esclavage est nul, non seulement parce qu’il est illégitime, mais parce qu’il est absurde et ne signifie rien. Ces mots, esclavage et droit, sont contradictoires.
Du contrat social, Jean-Jacques Rousseau, éd. De l'Imprimerie d'Amable Le Roy, 1792, p. 19
Dès l’instant qu’un homme eut besoin du secours d’un autre ; dès qu’on s’aperçut qu’il était utile à un seul d’avoir des provisions pour deux, l’égalité disparut, la propriété s’introduisit, le travail devint nécessaire et les vastes forêts se changèrent en des campagnes riantes qu’il fallut arroser de la sueur des hommes, et dans lesquelles on vit bientôt l’esclavage et la misère germer et croître avec les moissons.
Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes - Discours sur les sciences et les arts, Jean-Jacques Rousseau, éd. Flammarion, coll. « Garnier Flammarion / Philosophie », 1995 (ISBN2-08-070243-2), partie II, p. 232 (texte intégral sur Wikisource)
Vieil ami sincère de l'Amérique, je m'inquiète de voir l'esclavage retarder son progrès, ternir sa gloire, fournir des armes à ses détracteurs, compromettre la carrière à venir de l'Union qui garantit sa sécurité et sa grandeur, et montrer à l'avance à tous ses ennemis où ils doivent frapper. Comme homme aussi, je m'émeus du spectacle de la dégradation de l'homme par l'homme, et j'espère voir le jour où la loi garantira une liberté civile égale à tous les habitants du même empire, comme Dieu accorde le libre arbitre sans distinction à tous ceux qui demeurent sur terre.
« Correspondance américaine et européenne », dans Œuvres complètes, Alexis de Tocqueville, éd. Gallimard, 1986, t. VII, p. 163-164
Je ne crois donc pas qu'à aucune époque l'esclavage ait été utile à la vie et au bien-être social. Je Ie croirais, que je n'irais pas encore jusqu'à en conclure qu'à aucune époque l'institution de l'esclavage a été bonne et légitime.
Je n'admettrai point qu'un acte injuste, immoral, attentatoire aux droits les plus sacrés de l'humanité, puisse jamais se justifier par une raison d'utilité. Ce serait admettre la maxime que la fin justifie les moyens, et c'est une maxime que j'ai toujours détestée, et que je détesterai toujours.
L'esclavage, eût-il en effet contribué à sauver la vie de quelques hommes et augmenté la richesse de quelque peuple, ce que je nie, n'en reste pas moins à mes yeux un horrible abus de la force, un mépris de toutes les lois divines et humaines, qui nous défendent de priver de la liberté notre semblable et de le faire servir malgré lui à notre bien-être.
Ces faits sont odieux de nos jours, ils ne l'étaient pas moins il y a trois mille ans.
« Mélanges », dans Œuvres complètes, Alexis de Tocqueville, éd. Gallimard, 1989, t. XVI, p. 166-167
Il y a trente ans qu’on avait un beau nègre pour cinquante livres; c’est à peu près cinq fois moins qu’un bœuf gras. Cette marchandise humaine coûte aujourd’hui, en 1772, environ quinze cents livre. Nous leur disons qu’ils sont hommes comme nous, qu’ils sont rachetés du sang d’un Dieu mort pour eux, et ensuite on les fait travailler comme des bêtes de somme; on les nourrit plus mal : s’ils veulent s’enfuir, on leur coupe une jambe, et on leur fait tourner à bras l’arbre des moulins à sucre, lorsqu’on leur a donné une jambe de bois; après cela nous osons parler du droit des gens !
« Essais sur les Mœurs » (1756), dans Œuvres complètes de Voltaire, Voltaire, éd. Moland, 1875, t. 12, chap. CLII-Des iles françaises, p. 419
Nous n’achetons des esclaves domestiques que chez les nègres. On nous reproche ce commerce: un peuple qui trafique de ses enfants est encore plus condamnable que l’acheteur: ce négoce démontre notre supériorité; celui qui se donne un maître était né pour en avoir.
« Essais sur les Mœurs » (1756), dans Œuvres complètes de Voltaire, Voltaire, éd. Moland, 1875, t. 13, chap. CXCVII.Résumé de toute cette histoire..., p. 180
Nous n’avons cessé de le répéter dans les divers ouvrages que la société a publiés, l’esclavage a deux terribles conséquences ; il avilit l’esclave, il rend le maître barbare. Mais la barbarie du maître surpasse encore la bassesse de l’opprimé ; elle ne connoît point de frein, point de loi.
Réflexions sur le Code noir, et dénonciation d’un crime affreux commis à Saint-Domingue, Jacques Pierre Brissot, éd. Imprimerie du Patriote François, Paris, place du Théâtre Italien, 1790, p. 3
Mais voici la sentence ; elle constate elle-même tous ces crimes ; elle déclare le nommé Mainguy dûment atteint et convaincu d’avoir frappé ses esclaves à coups de bâton, de les avoir blessés avec des ciseaux et avec une arme vulgairement appellée manchette ; de les avoir déchirés avec ses dents , et de leur avoir fait appliquer sur différentes parties de leur corps, soit des fers rouges , soit des charbons ardens. Un de ces esclaves n’a pu résister à ces tourmens, la mort l’a délivré de son maître ; cinq autres sont mutilés, et leurs mutilations sont irréparables.
Réflexions sur le Code noir, et dénonciation d’un crime affreux commis à Saint-Domingue, Jacques Pierre Brissot de Warville, J Pétion, Société des amis des Noirs, éd. Imprimerie du Patriote François, Paris, place du Théâtre Italien, 1790, p. 4-5
Eh ! quoi ! une assemblée qui a témoigné un si grand respect pour les droits de l’homme, peut-elle laisser subsister, dans une partie de l’empire françois, une loi qui autorise, qui encourage les cruautés les plus révoltantes ? — Peut-elle tolérer encore cette loi, qui porte que l’esclave qui aura frappé au visage l’enfant de son maître, sera puni de mort ? et cette autre loi, qui accorde au maître la faculté de les faire battre, à sa fantaisie, avec des verges ou des cordes, et qui ne le condamne qu’à la confiscation, s’il les mutile et les fait torturer ? et cette autre loi, qui fixe pour tous les prétendus délits des esclaves, les peines les plus atroces, tandis qu’elle n’en prononce aucune contre les délits des maîtres, tandis qu’elle laisse, à ce dernier égard, la plus grande latitude au juge, qui, blanc, ami des blancs, possesseur lui-même d’esclaves, est presque toujours juge ou partie ? et cette autre loi, qui rejette le témoignage des esclaves dans tous les cas, qui défend d’en tirer aucune présomption, ni conjecture, ni adminicule.
Réflexions sur le Code noir, et dénonciation d’un crime affreux commis à Saint-Domingue, Jacques Pierre Brissot de Warville, J Pétion, Société des amis des Noirs, éd. Imprimerie du Patriote François, Paris, place du Théâtre Italien, 1790, p. 6-7
L’abolition de la traite rendra heureux tout-à-la-fois, et les Africains libres, et les noirs esclaves.
Réflexions sur le Code noir, et dénonciation d’un crime affreux commis à Saint-Domingue, Jacques Pierre Brissot de Warville, J Pétion, Société des amis des Noirs, éd. Imprimerie du Patriote François, Paris, place du Théâtre Italien, 1790, p. 9
Je suis fâché que des philosophes qui combattent les abus avec tant de courage n'aient guère parlé de l'esclavage des noirs que pour en plaisanter, ils se détournent au loin ; ils parlent de la Saint-Barthélémy, du massacre des Mexicains par les Espagnols, comme si ce crime n'était pas celui de nos jours, et auquel la moitié de l'Europe prend part. Y a-t-il donc plus de mal à tuer tout d'un coup des gens qui n'ont pas nos opinions, qu'à faire le tourment d'une nation à qui nous devons nos délices? Ces belles couleurs de rosé et de feu dont s'habillent nos dames, le coton dont elles ouatent leurs jupes ; le sucre, le café, le chocolat de leurs déjeuners, le rouge dont elles relèvent leur blancheur : la main des malheureux noirs a préparé tout cela pour elles. Femmes sensibles, vous pleurez aux tragédies, et ce qui sert à vos plaisirs est mouillé des pleurs et teint du sang des hommes !
Comment a-t-on pu donner la liberté à des Africains, à des hommes qui n'avaient aucune civilisation, qui ne savaient seulement pas ce que c'était que colonie, ce que c'était que la France ? Il est tout simple que ceux qui ont voulu la liberté des Noirs, veuillent encore l'esclavage des Blancs. Mais encore croyez-vous que, si la majorité de la Convention avait su ce qu'elle faisait, et connu les colonies, elle aurait donné la liberté aux Noirs ? Non sans doute : mais peu de personnes étaient en état d'en prévoir les résultats, et un sentiment d'humanité est toujours puissant sur l'imagination. Mais à présent tenir encore à ces principes, il n'y a pas de bonne foi, il n'y a que de l'amour-propre et de l'hypocrisie.
Réponse de Napoléon à Truguet hostile aux colons des îles et à l'esclavage.
Napoléon Bonaparte, 21 ventôse an XI, Paris, séance du Conseil d’État, dans Le Consulat et l'Empire, paru chez Jules Renouard, 1834, p.323, A.C Thibaudeau.
L’esclavage de l’Orient est celui que l’on voit dans l’écriture sainte; l’esclave hérite de son maître, il épouse sa fille. La plupart des pachas ont été esclaves; grand nombre de grands vizirs, tous les Mameluks, Ali-Bey, Mourad-Bey, l’ont été et ont commencé par remplir les plus bas offices dans la maison de leur maître, et se sont élevés par leur mérite ou la faveur. En Occident, au contraire, l’esclave fut toujours au-dessous du domestique; il occupait le dernier rang. Les Romains affranchissaient leurs esclaves; mais l’affranchi ne fut jamais considéré l’égal d’un citoyen né libre.
L'esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois à compter du jour que son maître l'aura dénoncé en justice, aura les oreilles coupées et sera marqué d'une fleur de lis sur une épaule ; et s'il récidive une autre fois à compter pareillement du jour de la dénonciation, aura le jarret coupé et il sera marqué d'une fleur de lis sur l'autre épaule ; et la troisième fois il sera puni de mort.
Code noir, Rédigé sous Louis XIV (1685) et modifié sous Louis XV (1724), éd. Sepia, 2006, Article 32 (1724), p. 55
Quoique je ne sois pas de la même couleur que vous, je vous ai toujours regardés comme mes frères. La nature
vous a formés pour avoir le même esprit, la même raison, les mêmes vertus que les blancs. Je ne parle ici que de
ceux d'Europe; car pour les blancs des colonies, je ne vous fais pas l'injure de les comparer avec vous ; je sais combien
de fois votre fidélité, votre probité, votre courage ont fait rougir vos maîtres. Si on allait chercher un homme dans
les îles de l'Amérique, ce ne serait point parmi les gens de chair blanche qu'on le trouverait. Votre suffrage ne procure point de places dans les colonies; votre protection ne fait point obtenir de pensions; vous n'avez pas de quoi soudoyer des avocats : il n'est donc pas étonnant que vos maîtres trouvent plus de gens qui se déshonorent en défendant leur cause, que vous n'en avez trouvé qui se soient honorés en défendant la vôtre.
C'est l'incontinence, l'avarice et la cruauté des Européens, qui dépeuplent les habitations; et lorsqu'on prostitue les négresses, pour leur voler ensuite ce qu'elles ont gagné; lorsqu'on les oblige, à force de traitements barbares, de se livrer, soit à leur maître, soit à ses valets; lorsqu'on fait déchirer devant elles les noirs qu'on les soupçonne de préférer à leurs tyrans ; lorsque l'avarice surcharge les nègres de travail et de coups, on leur refuse le nécessaire ; lorsqu'ils voient leurs camarades tantôt mis à la question , tantôt brûlés dans des fours, pour cacher les traces de ces assassinats;
alors ils désertent, ils s'empoisonnent ; les femmes se font avorter, et l'habitation ne peut se soutenir qu'en tirant d'Afrique de nouvelles victimes. Il est si peu vrai que la population des nègres ne puisse se recruter par elle-même, qu'on voit la race des nègres marrons se soutenir dans les forêts, au milieu des rochers, quoique leurs maîtres s'amusent à les chasser comme des bêtes fauves, et qu'on se vante d'avoir assassiné un nègre marron , comme en Europe on tire vanité d'avoir tué par-derrière un daim ou un chevreuil. Si les nègres étaient libres, ils deviendraient bientôt une nation florissante. Ils
sont, dit-on, paresseux , stupides et corrompus ; mais tel est le sort de tous les esclaves.
En travaillant à la Constitution du peuple français, nous n'avons pas porté nos regards sur les malheureux hommes de couleur qui gémissaient dans l'esclavage en Amérique, et la postérité pourra nous reprocher cet oubli, qui, tout involontaire qu'il est, n'en, est pas moins coupable devant la philosophie...On aurait beau dire que nous ne reconnaissons
pas d'esclaves en France, n'esl-il pas vrai que nous laissons dans l'esclavage des hommes sensibles et braves, qui ont reconquis leurs droits? Vainement aurions-nous proclamé la liberté et l'égalité, s'il reste sur le territoire de la République un seul homme qui ne soit pas libre comme l'air qu'il respire, s'il existe encore un esclave ! Proclamons la liberté des hommes de couleur !
Les nations européennes se vautrent dans l'opulence la plus ostentatoire. Cette opulence européenne est littéralement scandaleuse car elle a été bâtie sur le dos des esclaves, elle s'est nourrie du sang des esclaves, elle vient en droite ligne du sol et du sous-sol de ce monde sous-développé. Le bien-être et le progrès de l'Europe ont été bâtis avec la sueur et les cadavres des Nègres, des Arabes, des Indiens et des Jaunes. Cela nous décidons ne ne plus l'oublier.
Les Damnés de la Terre (1961), Frantz Fanon, éd. La Découverte poche, 2002, p. 94
Mais aujourd'hui nous pouvons concevoir des outils qui permettent d'éliminer l'esclavage de l'homme à l'égard de l'homme, sans pour autant l'asservir à la machine.
Au sud de ce Nil existe un peuple noir que l'on désigne par le nom de Lemlem. Ce sont des païens qui portent des stigmates sur leurs visages et sur leurs tempes. Les habitants de Ghana et de Tekrour font des incursions dans le territoire de ce peuple pour faire des prisonniers. Les marchands auxquels ils vendent leurs captifs les conduisent dans le Maghreb, pays dont la plupart des esclaves appartiennent à cette race nègre. Au delà du pays des Lemlem, dans la direction du sud, on rencontre une population peu considérable; les hommes qui la composent ressemblent plutôt à des animaux sauvages qu'à des êtres raisonnables. Ils habitent les marécages boisés et les cavernes; leur nourriture consiste en herbes et en graines qui n'ont subi aucune préparation; quelquefois même ils se dévorent les uns les autres : aussi ne méritent-ils pas d'être
L'esclavage chez les mahométans est fort différent de ce qu'il était chez les chrétiens. La situation des esclaves en Orient est bien préférable en effet à celle des domestiques en Europe. Ils font partie de la famille, et peuvent parfois s'élever aux plus hauts emplois. Aucune idée humiliante ne s'attache en Orient à l'esclavage, et on a dit avec raison que l'esclave y est plus près de son maître qu'un domestique chez nous.
La Civilisation des Arabes (1884), Gustave Le Bon, éd. La Fontaine au Roy, 1990, Livre quatrième, chapitre deuxième, Mœurs et coutumes, p. 284
Noblesse d'origine,– Esclavage. Les Franks, les Visigoths et les Bourguignons avaient d'innombrables esclaves, nés sous leurs tentes, achetés en Germanie ou enlevés à l'ennemi. Pendant les premiers siècles de l'invasion, ces esclaves étaient purs ; c'est-à-dire n'avaient ni distinction, ni degrés, ni nuances, comme en Italie, où l'on distinguait l'esclave, l'affranchi et le latin. Plus tard, les affranchis parurent, grandirent, débordèrent la France, formèrent les serfs, la bourgoisie, le tiers état. Mais l'esclavage n'en est pas moins la souche du peuple. Et cependant, à cette époque, la nation proprement dite, c'était la réunion des chefs de familles ou propriétaires ; car les esclaves ne s'appelaient d'aucun nom. Les codes en tenaient compte comme d'un immeuble.
Or, ces chefs de familles, ces maîtres d'esclaves, c'est la première et la véritable noblesse de France. Elle ne s'appelait pas encore de ce nom, au cinquième ou au sixième siècle, parce que les esclaves n'ayant pas d'existence politique ou civile, elle était assez distinguée d'eux par le fait ; mais lorsqu'affranchis par des causes diverses, les esclaves firent partie de la nation et s'appelèrent aussi Franks, Visigoths, Bourguignons ; dès ce moment, il y eut Frank et Frank, Visigoth et Visigoth ; les uns de race libre, les autres de race esclave. La société porta désormais sur deux idées, Noblesse et Roture qui ne tardèrent pas à établir entr'elles une grande distance sociale.
Il reste donc évident que c'est à la noblesse qu'appartenait, dés l'origine, le sol entier de la France. C'est donc la noblesse qui a précédé toute autorité, toute force ; c'est elle qui est l'aînée de la royauté et du peuple. Mais cette royauté l'a tuée et ce peuple l'a traînée sur la claie. Louis XI lui a fait couper la tête, comme ennemie du trône ; et la Convention comme ennemie du club.
Il est inutile de dire que toutes les charges de l'État appartenaient à la noblesse ; cependant, bien que celui qu'on appelait le Roi fût simplement un noble placé a la tête de ses égaux, pour commander les armées, etc., il y avait une famille dans chaque nation, spécialement en possession de l'usage de fournir les Rois : chez les Visigoths, c'était la famille des Balthes ; chez les Ostrogoths, celle des Amales ; chez les Bavarois, celle des Agilulfinges ; chez les Franks, celle des Mérovingiens. Seulement, cette royauté n'était pas immortelle comme celle de nos temps ; elle mourait avec le roi et se clouait dans le même cercueil.
Fastes de la France, ou Tableaux chronologiques, synchroniques et géographiques de l'histoire de France, depuis l'établissement des Francs dans les Gaules jusqu'à nos jours (1832), Charles Mullié, éd. Delalain, 1841, p. 23
Je vous envoie, mon cher commandant, un détachement de cent cinquante hommes de la garde nationale du Cap, commandés par M. Bari, il est suivi de vingt-huit chiens bouledogues. Ces renforts vous mettront à même de terminer entièrement vos opérations. Je ne dois pas vous laisser ignorer qu'il ne vous sera passé en compte aucune ration, ni dépense pour la nourriture de ces chiens. Vous devez leur donner des nègres à manger. Je vous salue affectueusement.
Le général Rochambeau chargé par Napoléon Ier de reconquérir Haïti écrit au général Ramel le 15 germinal 1803. Rochambeau ajouta "Le capitaine général trouvait très déplacée ma répugnance à me servir des chiens, je ne pus jamais lui faire entendre raison".
Nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l'esclavage.
Discours du 25 août 1958 à Conakry, lors de la visite du général de Gaulle venu promouvoir la constitution de la Communauté française.
Ahmed Sékou Touré, 25 août 1958, Conakry, dans BBCAfrique.com, paru 3 octobre 2008, Ahmed Sékou Touré : parus dans l'article intitulé « Guinée: 50 ans de « pauvreté » ».
On aurait peine à s’imaginer ce qu’à pu être pour les Nègres des Antilles la terrible époque qui va du début du XVIIè siècle à la moitié du XIXè siècle, si depuis quelque temps, l’histoire ne s’était chargée de fournir quelques bases de comparaison. Que l’on se représente Auschwitz et Dachau, Ravensbrück et Mathausen, mais le tout à l’échelle immense, celle des siècles, celle des continents, l’Amérique transformée en "univers concentrationnaire", la tenue rayée imposée à toute une race, la parole donnée souverainement aux Kapos et à la schlague, une plainte lugubre sillonnant l’Atlantique, des tas de cadavres à chaque halte dans le désert ou dans la forêt et les petits bourgeois d’Espagne, d’Angleterre, de France, de Hollande, innocents Himmlers du système, amassant de tout cela le hideux magot, le capital criminel qui fera d’eux des chefs d’industrie. Qu’on imagine tout cela et tous les crachats de l’histoire et toutes les humiliations et tous les sadismes et qu’on les additionne et qu’on les multiplie et on comprendra que l’Allemagne nazie n’a fait qu’appliquer en petit à l’Europe ce que l’Europe occidentale a appliqué pendant des siècles aux races qui eurent l’audace ou la maladresse de se trouver sur
son chemin. L’admirable ait que le nègre ait tenu !
Esclavage et colonisation (1948), Victor Schoelcher, éd. PUF, 1948, Introduction par Aimé Césaire, p. 17-18
Quand nos aïeux brisèrent leurs entraves,
Ce n’était pas pour se croiser les bras.
Pour travailler en maîtres, les esclaves
Ont embrassé, corps à corps, le trépas.
Leur sang, à flots, engraissa nos collines.
À notre tour, jaunes et noirs, allons!
Creusons le sol légué par Dessalines :
Notre fortune est là dans nos vallons.
Cet achat de nègres pour les réduire en esclavage est un négoce qui viole la religion, la morale, les lois naturelles et tous les droits de la nature humaine.
Louis de Jaucourt, 1766, Encyclopédie, article "Traite des Nègres", dans Encyclopédie, ou, Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des Métiers, paru chez Flammarion, 1986, p.337, Alain Pons.
Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe.
Candide, ou l'Optimisme (1759), Voltaire, éd. Hachette, coll. « Classiques Hachette », 1991 (ISBN2-01-017875-0), chap. 19 (« Ce qui leur arriva à Surinam, et comment Candide fit connaissance avec Martin »), p. 104 (texte intégral sur Wikisource)
La loi Taubira procède en effet d'une lecture partielle en n'évoquant que «la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l'océan Indien d'une part, et l'esclavage d'autre part, perpétrés à partir du XVe siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l'océan Indien et en Europe». D'une tragédie qui appartient à la longue histoire de l'humanité elle ne retient, sur une séquence courte, que les faits imputables aux seuls Blancs européens, laissant de côté la majorité des victimes de l'esclavage. La terrible traite transatlantique, du XVe au XIXe siècle, ne constitue malheureusement qu'une partie de l'histoire de l'esclavage, qui comprend également la traite arabo-musulmane, laquelle a duré du VIIe au XXe siècle, et la traite intra-africaine, toutes deux plus meurtrières.
Le risque de voir cette histoire partielle, donc partiale, devenir histoire officielle a mobilisé les historiens quand l'un des meilleurs spécialistes actuels des traites négrières, Olivier Pétré-Grenouilleau, a été attaqué en justice au nom de la loi Taubira. Parce qu'il rappelait que la quasi-totalité des esclaves africains avaient été razziés non par des Blancs, mais par des négriers africains et que le commerce des esclaves était une routine sur le continent noir bien avant l'arrivée des négriers européens.
Les enjeux du présent expliquent ces relectures du passé. Christiane Taubira déclare sans ambages qu'il ne faut pas trop évoquer la traite négrière arabe-musulmane pour que les «jeunes Arabes» «ne portent pas sur leur dos tout le poids de l'héritage des méfaits des Arabes». Ces logiques communautaires influent aussi sur le projet mémoriel La Route de l'esclave, décidé en 1993 par l'Unesco: Roger Botte, chercheur au Centre d'études africaines du CNRS, constate qu'il privilégie également la traite transatlantique du fait de «la pression des représentants du monde arabe et des États africains».