Je n'ignore rien des difficultés et des dangers inhérents à la démocratie, mais je n'en pense pas moins qu'elle est notre seul espoir. Bien des exemples montrent que cet espoir n'est pas vain.
La Société ouverte et ses ennemis, Karl Popper (trad. Jacqueline Bernard et Philippe Monod), éd. du Seuil, 1980, t. 1, chap. Préface, p. 8
L'historicisme [..] est un dérivé de la théorie du complot
(en)historicism [..] is a derivative of the conspiracy theory
(en)The Open Society and Its Enemies Volume 2: Hegel and Marx (1945), Karl Popper (trad. Wikiquote), éd. Routledge, 1973 (ISBN0-7100-4626-X), t. 2, chap. 14, p. 95
Une théorie qui n'est réfutable par aucun événement qui se puisse concevoir est dépourvue de caractère scientifique. Pour les théories, l'irréfutabilité n'est pas (comme on l'imagine souvent) vertu mais défaut.
Conjectures et Réfutations, Karl Popper (trad. M.-I. et M. B. de. Launay), éd. Payot, 1985, p. 64
Je suis resté socialiste pendant plusieurs années encore, même après mon refus du marxisme. Et si la confrontation du socialisme et de la liberté individuelle était réalisable, je serais socialiste aujourd'hui encore. Car rien de mieux que de vivre une vie modeste, simple et libre dans une société égalitaire. Il me fallut du temps avant de réaliser que ce n'était qu'un beau rêve ; que la liberté importe davantage que l'égalité ; que la tentative d'instaurer l'égalité met la liberté en danger ; et que, à sacrifier la liberté, on ne fait même pas régner l'égalité parmi ceux qu'on a asservis.
La Quête inachevée (1976), Karl Popper (trad. Renée Bouveresse et Michelle Bouin-Naudin), éd. Calman-Lévy, 1981 (ISBN2-7021-0430-4), p. 46-47
La connaissance objective (Objective Knowledge), 1979
Le « problème de la démarcation », comme je l'appelle, est le problème qui consiste à trouver un critère qui nous permette de distinguer les énoncés des sciences empiriques des énoncés non-empiriques. Ma solution réside dans le principe suivant : un énoncé est empirique s'il existe des conjonctions (finies) d'énoncés empiriques singuliers (d'énoncés de base ou d'énoncés expérimentaux) qui le contredisent. Une des conséquences de ce principe de démarcation est qu'un énoncé purement existentiel isolé (par exemple : "Il existe un serpent de mer quelque part dans le monde à un instant donné") n'est pas un énoncé empirique, bien qu'il puisse faire partie, bien évidemment, de notre situation de problème empirique.
La connaissance objective (1979), Karl Popper (trad. Jean-Jacques Rosat), éd. Flammarion, coll. « Champs essais », 1998 (ISBN978-2-0812-3364-5), chap. I La connaissance conjecturale, 6. Commentaires sur ma solution du problème logique, p. 54
Je supposerai que le théoricien s'intéresse essentiellement à la vérité et, particulièrement, à la découverte de théories vraies. Mais une fois qu'il a complètement digéré le fait que nous ne pouvons jamais justifier empiriquement - c'est-à-dire au moyen d'énoncés expérimentaux - l'affirmation qu'une théorie scientifique est vraie, et que nous sommes donc toujours confrontés dans le meilleur des cas à la question de savoir quelle supposition il convient, à titre d'essai, de préférer à d'autres, il est en droit, de son point de vue de chercheur de théories vraies, de se pencher sur les questions suivantes : quels principes de préférence devrions-nous adopter ? Certaines théories sont-elles « meilleures » que d'autres ?
La connaissance objective (1979), Karl Popper (trad. Jean-Jacques Rosat), éd. Flammarion, coll. « Champs essais », 1998 (ISBN978-2-0812-3364-5), chap. I La connaissance conjecturale, 7. La préférence pour certaines théories et la recherche de la vérité", p. 55
Seule la connaissance objective est susceptible d'être critiquée : la connaissance subjective ne devient susceptible d'être critiquée que dans la mesure où elle devient objective, et elle devient objective quand nous disons ce que nous pensons ; et elle le devient davantage encore quand nous l'écrivons ou nous l'imprimons.
La connaissance objective (1979), Karl Popper (trad. Jean-Jacques Rosat), éd. Flammarion, coll. « Champs essais », 1998 (ISBN978-2-0812-3364-5), chap. I. La connaissance conjecturale, 10. Le contexte de ma reformulation du problème psychologique de l'induction de Hume, p. 70
D'un autre côté j'étais bien loin de préconiser l'abandon de la recherche de la vérité : ce qui domine nos discussions critiques sur les théories, c'est l'idée de découvrir une théorie explicative vraie (et puissante) ; et nous justifions nos préférences en faisant appel à l'idée de vérité : la vérité joue le rôle d'une idée régulatrice. Nous testons pour la vérité, en éliminant la fausseté. Que nous ne soyons pas en mesure de donner une justification - ou des raisons suffisantes - pour nos conjectures ne signifie pas que nous n'ayons pas conjecturé la vérité ; il se peut fort bien que certaines de nos hypothèses soient vraies.
Si l'on prend bien conscience que toute connaissance est hypothétique, on est conduit à rejeter le « principe de raison suffisante », que ce soit sous la forme : « on peut donner une raison pour toute vérité » (Leibniz) ou sous la forme plus forte que l'on trouve chez Berkeley et chez Hume, qui suggèrent tous deux que, si « nous ne voyons pas de raison [suffisante] de croire », c'est une raison suffisante pour ne pas croire.
La connaissance objective (1979), Karl Popper (trad. Jean-Jacques Rosat), éd. Flammarion, coll. « Champs essais », 1998 (ISBN978-2-0812-3364-5), chap. I. La connaissance conjecturale, 13.Au-delà des problèmes de l'induction et de la démarcation, p. 77
Il partit donc de sa propre existence, qui lui semblait indubitable, puisque même le doute sur notre existence semble présupposer l'existence d'un douteur (d'un sujet qui doute).
Certes je ne suis pas plus sceptique sur l'existence de mon propre moi que Descartes ne l'était au sujet du sien. Mais je pense également (comme Descartes) que je mourrai bientôt et que cela ne changera pas grand chose dans le monde, sauf pour moi-même et deux ou trois amis. À l'évidence, ce qui touche à notre propre vie et à notre propre mort est d'une certaine importance, mais mon hypothèse (et je pense que Descartes en conviendrait) c'est que ma propre existence touchera à sa fin sans que pour autant le monde touche à sa fin. C'est une conception du sens commun, et c'est le principe central de ce que l'on peut appeler le « réalisme ». (On traitera du réalisme de manière plus approfondie dans un instant.)
J'admets que la croyance en notre propre existence est très forte. Mais ce que je n'admets pas, c'est qu'elle puisse supporter quelque chose comme le poids de l'édifice cartésien ; comme base de départ, elle est beaucoup trop étroite. Je ne pense pas non plus, soit dit au passage, qu'elle soit aussi indubitable que le croyait (avec quelque excuse) Descartes.
La connaissance objective (1979), Karl Popper (trad. Jean-Jacques Rosat), éd. Flammarion, coll. « Champs essais
- », 1998 (ISBN978-2-0812-3364-5), chap. II. Les deux visages du sens commun, 3 Divergence avec les autres approches, p. 87-88
Ma thèse au contraire est qu'il n'y a rien de direct ni d'immédiat dans notre expérience : il nous faut apprendre que nous avons un moi, qui dure dans le temps et continue d'exister même pendant notre sommeil et l'inconscience totale ; il nous faut aussi apprendre tout ce qui concerne notre propre corps et celui des autres. Il s'agit exclusivement de décodage ou d'interprétation. Nous apprenons si bien à décoder que tout devient pour nous « direct » ou « immédiat » ; mais il en va de même pour l'homme qui a appris le morse ou, pour prendre un exemple plus familier, pour celui qui a appris à lire un livre : le livre lui parle « directement », « immédiatement ». Nous savons néanmoins qu'il s'agit d'un processus complexe de décodage ; s'il semble direct et immédiat, c'est qu'il résulte d'un entraînement, comme pour jouer du piano ou conduire une voiture.
La connaissance objective (1979), Karl Popper (trad. Jean-Jacques Rosat), éd. Flammarion, coll. « Champs essais », 1998 (ISBN978-2-0812-3364-5), chap. II. Les deux visages du sens commun, 3 Divergence avec les autres approches, p. 89
Ma thèse est que le réalisme n'est ni démontrable ni réfutable. Le réalisme, comme tout ce qui n'est pas du ressort de la logique ou de l'arithmétique finie, n'est pas démontrable ; mais alors que les théories scientifiques empiriques sont réfutables, le réalisme ne l'est même pas. (Il partage cette non-réfutabilité avec nombre de théories philosophiques ou « métaphysiques », et en particulier avec l'idéalisme.) Mais il relève d'une argumentation, et le poids des arguments en sa faveur est écrasant.
La connaissance objective (1979), Karl Popper (trad. Jean-Jacques Rosat), éd. Flammarion, coll. « Champs essais », 1998 (ISBN978-2-0812-3364-5), chap. II. Les deux visages du sens commun, 5. Arguments en faveur du réalisme, p. 90-91
Il est finalement cocasse de voir Popper, lorsqu'il défend l'individualisme méthodologique,
dénier toute réalité au monde social autre que celui de l'individu - réalité qui, faut-il supposer, peut-être décomposée en physique et mentale -,
et par ailleurs, proposer [dans son livre La Connaissance Objective, p119] en sus des deux premiers mondes (physique et mental) un troisième monde objectif, constitué par les théories, les arguments et les problèmes.
Si Popper, pour fonder sa théorie de la connaissance, peut former l'image claire d'un autre monde objectif nécessaire à sa théorisation, pourquoi la sociologie ne pourrait-elle faire de même en formant l'image d'un monde objectif qui lui serait propre, différent des autres et de tous les autres possibles ?
Essai d'épistémologie, Alain Testart, éd. Errance, 1991, p. 139
Vous pouvez également consulter les articles suivants sur les autres projets Wikimédia :