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Guerre d'Espagne

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La guerre d'Espagne (également souvent désignée sous le nom de guerre civile espagnole ou moins fréquemment de révolution espagnole est un conflit qui opposa, en Espagne, le camp des « nationalistes » à celui des « républicains » réunissant, parfois avec de vives tensions, communistes, socialistes, républicains et anarchistes. Elle se déroula de juillet 1936 à mai 1939 et s'acheva par la défaite des républicains et l'établissement de la dictature de Francisco Franco, qui conserva le pouvoir absolu jusqu'à sa mort en 1975.

Bartolomé Bennassar

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Le soulèvement militaire eut pour effet quasi immédiat de provoquer la ruine de l'État et de déchaîner la révolution. Dès la fin juillet, chaque parti ne pensa plus qu'à l'élimination physique de l'adversaire, sans considération d'aucune sorte, à l'aide de rituels symboliques qui le traquaient au-delà de la mort et d'un vocabulaire du mépris et de la haine.


Le système policier établi dès les lendemains de la victoire se nourrit de la délation érigée en système, comme l'avait fait la terreur populaire.
  • La Guerre d'Espagne et ses lendemains, Bartolomé Bennassar, éd. Éditions Perrin, 2004, chap. Espagne : répression, résistance et « exil intérieur », p. 469


La presse phalangiste incitait ouvertement aux dénonciations, dont certaines n'avaient d'autre but que de nuire à un voisin ou d'éliminer un concurrent. Il serait facile de multiplier les exemples de ces dénonciations fatales, quoique confuses, incertaines ou collectives, destinées à venger les victimes de la répression populaire. Les délateurs, à peu près assurés de l'absence d'enquête sérieuse, donnaient libre cours à l'esprit de vengeance, la jalousie, le plaisir de nuire ou à la satisfaction malsaine d'éprouver leur pouvoir.
  • La Guerre d'Espagne et ses lendemains, Bartolomé Bennassar, éd. Éditions Perrin, 2004, chap. Espagne : répression, résistance et « exil intérieur », p. 469


A Pozo de la Pal (Murcie) il n'y eut, de part et d'autre, ni dénonciation, ni assassinat. Un patron de Murcie fut libéré par ses ouvriers qui prirent d'assaut la prison et organisèrent sa fuite vers Barcelone. Zarza de Montanchez fut le seul village de la province de Caceres sans victimes, grâce à l'attitude humaine du maire franquiste. A Madrid, le phalangiste Manuel Alonso fut sauvé par un ouvrier communiste de son usine à qui il avait appris à lire.
  • La Guerre d'Espagne et ses lendemains, Bartolomé Bennassar, éd. Éditions Perrin, 2004, chap. Une saison en enfer (juillet 1936 – mars 1937), p. 129


– Il faut assainir l'Espagne, je suppose, lâcha Falcó pour le sonder, en le regardant de côté.

– Je préfère l'assainir sur le front. Ce que nous voyons là pue la revanche et l'ignominie.
– J'ai bien peur que nous n'en soyons qu'au commencement d'après ce que l'on dit à la radio et dans les journaux, les rouges détalent et se rendent en masse.
– C'est un mensonge. j'en viens… Ils se battent avec acharnement. Défendent pied à pied leurs positions et, même quand ils doivent en céder un pouce , ils le font en luttant avec beaucoup de courage.
Falcó l'observait avec un intérêt renouvelé.
– Ça ne sera pas fini pour Noël ?
– Bien sûr que non. C'est de la propagande.
– Alors, ce sera long et sanglant ?

– Qu'est-ce que vous croyez ? La meilleure infanterie du monde contre la meilleure infanterie du monde.


Falcó avait pu les voir, les uns et les autres, au moment du soulèvement national, s'affronter à coups de feu dans les rues : phalangistes, socialistes, communistes, anarchistes, qui s'entretuaient avec une admirable ténacité. C'étaient des jeunes gens courageux et déterminés, d'un bord ou de l'autre, qui parfois se connaissaient bien, d'anciens compagnons d'université, d'usine, habitués à aller ensemble voir un film, danser, boire un verre, liés aux mêmes amis, quand ce n'était pas à la même amoureuse. Il les avait vus tout faire pour se trucider les uns les autres, représailles après représailles. Tantôt avec haine, tantôt avec le froid respect envers un adversaire que l'on connaît et que l'on apprécie, bien que l'on ne soit pas dans le même camp. C'est lui ou moi, telle était l'idée. Le mobile. C'est eux ou nous. Quelle misère que tout cela, que ce brasier où allait se consumer, se consumait déjà la fleur de la jeunesse d'un bord et de l'autre.


Et c'est pourquoi, sans doute, cette guerre prend une forme si terrible : on fusille plus qu'on ne combat. La mort, ici, c'est le lazaret d'isolement. On se purge des porteurs de germes. Les anarchistes font des visites domiciliaires et chargent les contagieux sur leurs charrettes. Et de l'autre côté de la barrière, Franco a pu prononcer ce mot atroce : « Il n'y a plus, ici, de communistes ! » Le tri a été fait comme par un conseil d'administration, le tri a été fait comme par un major...
[…] Sous la chaux, ou sous le pétrole, on brûle les morts dans des champs d'épandage. Point de respect pour l'homme. Dans chaque parti on a traqué, comme une maladie, les mouvements de sa conscience. Pourquoi respecter leur urne de chair ? Et ce corps qui était habité par une audace juvénile, ce corps qui savait aimer, et sourire, et se sacrifier, on ne pense même pas à l'ensevelir.


Ah ! Ce départ nocturne sous la pluie est le seul qui réponde à la vérité de cette guerre. Ces homme m'entourent et me regardent, et je lis dans leurs yeux je ne sais quelle gravité un peu triste. Ils savent quel sort les attend, s'ils sont pris. Et j'ai froid. Et je remarque tout à coup qu'aucune femme n'a été admise à ce départ. Et cette absence aussi me parait raisonnable. Qu'ont-elles à voir ici ces mères qui ne savent pas, quand elles accouchent, quelle image de la vérité enflammera plus tard leur fils, ni quels partisans le fusilleront, selon leur justice, quand il aura vingt ans.


Les hommes ne se respectent plus les uns les autres. Huissiers sans âme, ils dispersent au vent un mobilier sans savoir qu'ils anéantissent un royaume...
[...] En Espagne, il y a des foules en mouvement, mais l'individu, cet univers, du fond de son puits de mine, appelle en vain à son secours.


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