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Al-Andalus

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Al-Andalus ( الأندلس en arabe) est le terme qui désigne l'ensemble des terres de la péninsule Ibérique et de la Septimanie qui furent temporairement sous domination musulmane au Moyen Âge (711-1492). La conquête et la colonisation du pays par les musulmans fut aussi rapide qu'imprévue et correspondit avec l'essor du monde musulman. Al-Andalus devint alors un foyer de haute culture au sein de l'Europe médiévale, attirant un grand nombre de savants et d'où a résulté une période de riche épanouissement culturel.

Les nations de l'Europe divisées, occupées pendant des siecles à se déchirer, après avoir vieilli dans la barbarie, n'ont été éclairées que par l'invasion des Maures, et par l'arrivée des Grecs échappés à la prise de Constantinople.
  • Lettre à Voltaire du 1er septembre 1776
  • Lettres sur l'origine des sciences et sur celle des peuples de l'Asie, Jean Sylvain Bailly, éd. M. Elmesly, 1777, p. 139


[Q]uelques siècles plus tard, c'était aux sciences et aux écoles de l'islamisme que l'Europe chrétienne allait devoir la moitié de ses lumières. Au XIe et au XIIe siècle, l'Espagne, livrée aux Maures, instruisait le reste du monde après s'être instruite elle-même aux monuments de la Grèce. Si la scholastique n'avait point eu les sources arabes, il est sûr qu'elle n'eût pas fait de si rapides progrès ; et la Renaissance d'Albert le Grand et de saint Thomas aurait pu se faire attendre encore bien longtemps. C'est donc là un caractère qui distingue les conquêtes arabes de bien d'autres ; et il serait peu équitable de les confondre soit avec celles des barbares nos ancêtres, soit avec celles de Gengis-Khan ou de Timour. Celles-là n'ont été qu'une suite d'effroyables désordres, le carnage et le butin étaient les seuls objets des envahisseurs, et il n'est resté après eux que ruine et que deuil. Les Arabes, au contraire, ont semé partout des germes heureux, qui sont devenus féconds en d'autres mains que les leurs.
  • « La vie de Mahomet » (1864), dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, Jules Barthélemy-Saint-Hilaire, éd. Auguste Durand, 1864, t. 19, p. 425


Les Maures d'Espagne portèrent à Cordoue, et depuis à Grenade, et en d'autres provinces, l'architecture, le luxe, les arts et les sciences, au plus haut point de prospérité.
  • Charlemagne ou l'Église sauvée, poème épique en 24 chants, Lucien Bonaparte, éd. Didot, 1815, p. 334


Les Arabes portèrent le goût des mathématiques dans tous les pays soumis à leur puissance. Elles fleurirent pendant longtemps en Espagne. [...] Les Chrétiens, qui, dès le Xe siècle, avaient commencé à chasser les Arabes de quelques parties de l'Espagne, ne dédaignèrent pas de s'instruire parmi ces mêmes Maures dont ils abhorraient la religion. [...] Les intérêts de l'ambition, à qui rien ne résiste, finirent par rompre toute communication entre les Chrétiens et les Maures, et plongèrent l'Espagne dans les plus profondes ténèbres. A mesure que les victoires des premiers se mulipliaient, les sciences allaient en déclinant : elles périrent enfin, quand la domination des Maures cessa en Espagne, par la perte de Grenade : événement a jamais déplorable, si la religion chrétienne n'en eût profité, en s'étendant sur les ruines du Mahométisme.


L'Afrique française sort de la barbarie, l'Espagne y retourne ; nous rendons aux Maures d'Afrique ce qu'ils nous avaient donné : la civilisation.


Arabe ou espagnole, de quelque nom qu'on l'appelle, cette civilisation a joué un rôle considérable dans le Moyen Age, et principalement dans l'établissement de notre tradition aristotélicienne.
  • Œuvres complètes, Robert Brasillach, éd. Club de l'honnête homme, 1965, vol. 11, p. 288


[C]'est avec les montagnards frustes d'Afrique du Nord, les Berbères, que l'Islam a conquis l'Espagne.


Je suis un Européen du Sud, pour moitié andalou, autant dire à demi-musulman. Je sais trop ce que notre vieux continent doit à l'islam espagnol, et d'abord le retour à la raison grecque. [...] Non seulement les musulmans d'Espagne ouvrirent à la raison un espace où Averroès, Avicenne et Maïmonide s'aventurèrent hardiment, ils furent également médecins, géographes, astronomes, historiens, mathématiciens, alchimistes et physiciens, architectes miraculeux, musiciens raffinés, jardiniers délicats, horiculteurs et artisans subtils. Durant près de cinq siècles, les califes et les émirs ont tenu école de tolérance, défendant les juifs, accueillant les chrétiens, cohabitation sans exemple en ces temps de fanatisme. Cet héritage, je fais plus que l'accepter, j'en tire fierté.
  • Michel del Castillo, 18 Janvier 2002, dans Je suis un musulman, paru Le Monde, 18 Janvier 2002, Michel del Castillo.


Depuis le VIIIe siècle jusqu'au XIIe siècle, l'Europe demeura plongée dans une ignorance profonde. L'amour et la culture des sciences furent concentrées pendant ce long interval chez un seul peuple, les Arabes de Bagdad et de Cordoue. C'est à eux que nous avons dû la connaissance des ouvrages grecs qu'ils avaient traduits pour leur usage, et qu'ils nous ont transmis, longtemps avant qu'ils nous parvinssent dans leur langue originale. Jusqu'à ces derniers temps, on a pensé que c'était là la seule obligation que nous eussions aux Arabes ; et l'on a négligé de rechercher et d'étudier leurs propres ouvrages, pensant que l'on n'y devait trouver rien d'original, ni d'étranger aux doctrines et à l'érudition grecques. C'est une erreur sur laquelle on revient aujourd'hui, surtout depuis qu'on connaît les ouvrages hindous, et que l'on sait que les Arabes y ont puisé les principes du calcul algébrique qui les distingue essentiellement des ouvrages grecs.
  • Aperçu historique sur l'origine et le développement des méthodes en géométrie, Michel Chasles, éd. Hayez, 1837, p. 487-488


L'Alhambra semble être l'habitation des génies : c'est un de ces édifices des Mille et une Nuits, que l'on croit voir moins en réalité qu'en songe. On ne peut se faire une juste idée de ces plâtres moulés et découpés à jour, de cette architecture de dentelles, de ces bains, de ces fontaines, de ces jardins intérieurs, où des orangers et des grenadiers sauvages se mêlent à des ruines légères. Rien n'égale la finesse et la variété des arabesques de l'Alhambra. Les murs, chargés de ces ornements, ressemblent à ces étoffes de l'Orient que brodent, dans l'ennui du harem, des femmes esclaves. Quelque chose de voluptueux, de religieux et de guerrier, fait le caractère de ce singulier édifice, espèce de cloître de l'amour, où sont encore retracées les aventures des Abencerages ; retraites où le plaisir et la cruauté habitaient ensemble, et où le roi maure faisait souvent tomber dans le bassin de marbre la tête charmante qu'il venait de caresser.
  • « Sur le Voyage pittoresque et historique par M. Alexandre de M.Laborde » (1864), dans Œuvres complètes de Chateaubriand, François-René de Chateaubriand, éd. P.-H. Krabbe, 1851, t. 1, p. 249-250


Les Arabes ont exercé une grande influence sur la France, et spécialement sur les contrées méridionales. Au Xe siècle le célèbre Gerbert d'Aurillac, qui fut successivement archevêque de Reims et pape sous le nom de Sylvestre II, alla étudier dans les écoles arabes les sciences mathématiques, qu'il enseigna à la France. La poésie des troubadours, avec sa galanterie subtile, la scolastique qui profita des travaux des Arabes sur Aristote, l'architecture gothique, enfin, dont les ornements capricieux ont conserve le nom darabesques, subirent certainement l'influence de la poésie, de la philosophie et de l'architecture arabes. Les premiers médecins de l'école de Montpellier avaient étudié aux écoles arabes d'Espagne. Les principales notions de physique et de chimie, au moyen âge, furent dues à ce peuple. Enfin, il suffit de rappeler le papier-linge, les chiffres arabes, la boussole et la poudre à canon, pour indiquer tout ce que la France doit aux Arabes.
  • Article Arabes.
  • Dictionnaire historique des institutions, mœurs et coutumes de la France, Adolphe Chéruel, éd. Hachette et Cie, 1855, vol. 1, Article Arabes, p. 30


Il est d'autres dettes considérables que nous avons contractées envers les Arabes, avec lesquels notre sang ne s'est guère mêlé, et qui, au jugement du vulgaire, ne se seraient montrés à nous que comme les adversaires et les oppresseurs de notre foi. [...] c'est de l'Inde que, par les Maures d'Espagne, nous avons tiré les chiffres dits arabes et le système de numération écrite fondé sur un emploi ingénieux de ces chiffres : ce n'est rien moins que la base de toute comptabilité publique et privée.
  • Lettre de Michel Chevalier au directeur du Journal des Débats du 20 novembre 1862
  • Bilan de l'exposition universelle de Londres, Collectif (Contribution de Michel Chevalier), éd. Méline, 1862, vol. 4, p. 143


Miguel Cruz Hernández

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   La cohabitation sociale et la coexistence culturelle ont fonctionné au profit de la noblesse (khassa) musulmane, constituée par la famille du souverain, les hauts « fonctionnaires » civils et militaires, et les affranchis et clients du monarque. En bénéficient également les notables musulmans (a’yan), c’est-à-dire les lettrés, les artisans très en vue, les commerçants puissants et les grands propriétaires terriens. En revanche, la masse (amma) musulmane cohabitait difficilement avec les mozarabes et les juifs.

   Les mozarabes qui ont le mieux coexisté culturellement avec les musulmans sont les nobles, classe qui comprenait aussi bien les descendants des comes wisigoths que le haut clergé et quelques lettrés. […]

   Quant aux juifs, les guides (rabbins et lettrés) et les riches marchands, commerçants et financiers fréquentaient aussi les classes supérieures islamiques et mozarabes, mais n’avaient guère de relations avec les classes inférieures.
  • « L’Espace de la coexistence », Miguel Cruz Hernández, Le Courrier de l’UNESCO (ISSN 0304-3118), nº 12, décembre 1991, p. 21-22


Au onzième siècle l'Europe ne recevait guère de lumières que des Arabes d'Espagne. La plupart des chrétiens qui cherchaient à s'instruire, surtout en médecine, se rendaient dans leurs écoles. Gerbert, archevêque de Reims, l'un des grands hommes du siècle, et qui devint pape sous le nom de Sylvestre II, avait fait ses études à Cordoue. C'est par lui que fut introduit chez les chrétiens l'usage des chiffres arabes, si commodes pour les calculs. [...] Les écoles des Arabes avaient une supériorité trop remarquable, pour qu'elles ne devinssent pas le modèle de celles qui furent établies plus tard en France et ailleurs.
  • Histoire des sciences naturelles, Georges Cuvier, éd. Fortin, Masson et cie, 1841, t. 1, p. 396


Rien ne contribua tant à éveiller l'instinct poétique des populations du Midi que leurs guerres et leurs relations avec les Arabes d'Espagne. Ces vaillants Sarrasins, ces terribles Maures, qui franchirent tant de fois les défilés des Pyrénées, prirent bien vite dans l'imagination des habitants de Narbonne, de Toulouse, de Bordeaux, une beaucoup plus grande place que dans les arides chroniques des moines. Ils figurèrent de bonne heure dans des légendes fabuleuses, dans des chants historiques , qui servirent comme de noyau aux épopées romanesques des époques subséquentes.
  • Histoire de la poésie Provençale, Claude Fauriel, éd. J. Labitte, 1846, vol. 1, p. 7


A considérer les choses d'une manière générale, il est évident, par l'histoire, que les Arabes andalousiens durent avoir une certaine influence sur la civilisation du midi de la France. Ils eurent, comme tout le monde sait, sous leur domination la Septimanie [...]; et c'est, selon toute apparence, à leur séjour de plus d'un demi-siècle dans cette contrée, qu'il faut attribuer l'introduction dans le Midi de diverses industries, de certains procédés d'agriculture, de certaines machines d'un usage universel, comme, par exemple, de celle qui sert à tirer l'eau des puits, pour l'irrigation des jardins et des champs, qui toutes sont d'invention arabe. C'est à la même époque et à la même cause qu'il faut rapporter l'habitude, longtemps et même encore aujourd'hui populaire dans le midi de la France, d'attribuer aux Sarrasins tout ouvrage qui offrait quelque chose de merveilleux, de grandiose, et supposait une puissance d'industrie supérieure à celle du pays, comme les châteaux fortifiés, les remparts et les tours des villes, et autres grands monuments d'architecture ; comme aussi les armes, les ouvrages de ciselure et d'orfèvrerie, les étoffes précieuses par le travail ou la matière. Toutes ces choses étaient qualifiées d'œuvre arabine, d'œuvre sarrasinesque, d'œuvre de gent sarrasine. Enfin, ce fut aussi par suite de la domination andalousienne dans la Septimanie que s'introduisit, dans le latin barbare du pays, devenu déjà ou prêt à devenir le roman, une certaine quantité de mots arabes qui devait s'accroître encore par la suite.
  • Histoire de la poésie Provençale, Claude Fauriel, éd. J. Labitte, 1846, p. 312


Pendant le moyen âge, l'Espagne, occupée et régie par les Arabes, était devenue le foyer le plus brillant des lettres et des arts; les sciences chimiques s'y trouvaient particulièrement cultivées.
  • Les merveilles de la science: ou Description populaire des inventions modernes, Louis Figuier, éd. Librairie Furne, Jouvet, 1869, vol. 3, p. 234


Beaucoup des traits dont s'enorgueillit l'Europe moderne lui sont venus de l'Espagne musulmane. La diplomatie, le libre-échange, l'ouverture des frontières, les techniques de la recherche universitaire, de l'anthropologie, l'étiquette, la mode, les divers types de médecine, les hôpitaux, tous sont venus de cette grande ville parmi toutes. L'Islam médiéval fut une religion d'une tolérance remarquable pour son temps, permettant au Juifs et aux Chrétiens de pratiquer librement leur culte, un example qui ne fut, malheureusement, pas suivi en Occident durant des siècles. Ce qui est remarquable c'est la mesure dans laquelle l'Islam fait partie de l'Europe depuis si longtemps, tout d'abord en Espagne, puis dans les Balkans, et la mesure dans laquelle il a contribué si largement à la civilisation que nous tous considérons trop souvent, à tort, comme uniquement occidentale. L'Islam fait partie de notre passé et de notre présent, dans tous les domaines de l'activité humaine. Il a aidé à créer l'Europe moderne. Il fait partie de notre propre héritage et ne s'en distingue pas.
  • (en) Many of the traits on which modern Europe prides itself came to it from Muslim Spain. Diplomacy, free trade, open borders, the techniques of academic research, of anthropology, etiquette, fashion, various types of medicine, hospitals, all came from this great city of cities. Medieval Islam was a religion of remarkable tolerance for its time, allowing Jews and Christians the right to practise their inherited beliefs, and setting an example which was not, unfortunately, copied for many centuries in the West. The surprise, ladies and gentlemen, is the extent to which Islam has been a part of Europe for so long, first in Spain, then in the Balkans, and the extent to which it has contributed so much towards the civilisation which we all too often think of, wrongly, as entirely Western. Islam is part of our past and our present, in all fields of human endeavour. It has helped to create modern Europe. It is part of our own inheritance, not a thing apart.
  • Charles de Galles (trad. Wikiquote), 27 octobre 1993, Oxford Centre for Islamic Studies , The Sheldonian Theatre, Oxford, dans Islam and the West, paru Site officiel du Prince de Galles (www.princeofwales.gov.uk), Charles de Galles.


C'est dans l'Espagne d'Alphonse X, et dans la Sicile de Frédéric II, tous deux admirateurs passionnés de la culture musulmane qu'est né l'Occident « moderne » dont la civilisation arabo-islamique fut l'accoucheur et la mère nourricière.


C'est peut-être en Espagne que les sciences des Arabes eurent le plus d'éclat ; c'est là que se fixa, pour ainsi dire, le règne de leur littérature et de leurs arts. Cordoue, Grenade, Valence, Seville se distinguèrent à l'envi par des écoles, des collèges des académies, et par tous les genres d'établissements qui peuvent favoriser les progrès des lettres. L'Espagne possédait soixante-dix bibliothèques ouvertes au public, dans différentes villes, quand tout le reste de l'Europe, sans livres, sans lettres, sans culture, était enseveli dans l'ignorance la plus honteuse. Une foule d'écrivains célèbres enrichit dans tous les genres la littérature arabico-espagnole ; et l'ouvrage qui contient les titres et les notices de leurs innombrables productions en médecine, en philosophie, dans toutes les parties des mathématiques, en histoire, et principalement en poésie, forme en Espagne une volumineuse bibliothèque. L'influence des Arabes sur les sciences et les lettres, se répandit bientôt dans l'Europe entière.


Il faut [...] reconnaître dans la poésie arabe la mère et la maitresse commune de l'espagnole et de la provençale. On aperçoit dans la poésie des Troubadours les traces de cette filiation, et l'on y voit aucun vestige de la poésie grecque ou latine.


Les Sarrasins d'Espagne qui, au VIIIe siècle, se répandirent en France, pouvaient y faire naître le goût des sciences et des beaux-arts ; Charles-Martel les extermina prés de Poitiers, et tout le fruit de cette expédition fameuse fut l'affermissement de sa puissance, à moins que la postérité de quelques Maures échappés au carnage de Poitiers, et réfugiés au Midi de la France, ne fut à l'origine nébuleuse de ces troubadours qui illustrèrent ces mêmes contrées au XI, XIIe et XIIIe siècles : origine dont je ne sache pas qu'aucun critique ait eu l'idée.


Les mathématiques, la chimie, la médecine, s'introduisirent peu à peu dans les écoles les plus renommées de l'Europe, tant par des traités que par les découvertes et les expériences. Sans les Arabes, difficilement y aurait-il eu un Gerbert, un Albert le Grand, un Arnaud de Villeneuve, un Roger Bacon, un Raimond Lulle ; tous ils avaient fréquenté les sages de l'Espagne ou étudié leurs écrits.
  • Idées sur la philosophie de l'histoire de l'humanité (1791), Johann Gottfried von Herder (trad. Edgar Quinet), éd. F.G. Levrault, 1834, t. 3, Culture de la raison en Europe, p. 475


Tous les princes omeyyades qui se succèdent au pouvoir à Cordoue sont en effet des fils d'esclaves concubines dont on peut légitimement supposer que la majorité était d'origine indigène. Ainsi à chaque génération, la proportion de sang arabe coulant dans les veines du souverain régnant dimunuait de moitié, si bien que le dernier de la lignée, Hisham II (976-1013) qui, au vu de la seule généalogie en ligne masculine est de pure souche arabe, n'a en réalité que 0.09% de sang arabe. La supposition sur l'origine des concubines peut se vérifier par l'étude des quelques formulaires notariaux conservés, ou les modèles d'actes concernant des esclaves montrent qu'il s'agissait en majorité de "Galiciennes", c'est-à-dire provenant des zones restées chrétiennes de l'Espagne du Nord et du Nord-Ouest.
  • Structures sociales "orientales" et "occidentales" dans l'Espagne musulmane, Pierre Guichard, éd. École des Hautes Études en Sciences Sociales, 1977, p. 124


La brillante civilisation qui se développe dans l’Espagne musulmane principalement à partir [du Xe siècle] est en partie le résultat d’un contact spontané entre les cultures et les traditions des trois religions monothéistes qui coexistent alors sur le sol de la péninsule Ibérique. Mais les échanges nés des rapports entre l’islam, le christianisme et le judaïsme ne s’y produisent pas dans le cadre d’un syncrétisme égalitaire. Le caractère officiel de l’impulsion ne fait guère de doute. Les influences qui contribuent à la formation de la civilisation andalouse sont d’abord orientales — abbassides mais aussi byzantines. L’État omeyyade se veut pour sa part strictement musulman et arabe.
  • « Une esthétique une et plurielle », Pierre Guichard, Le Courrier de l’UNESCO (ISSN 0304-3118), nº 12, décembre 1991, p. 30-31


Alain Guy

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Legendre l'a montré, dans sa « Nouvelle Histoire d'Espagne » et dans sa « Littérature espagnole », les conquérants arabes et berbères tendirent très tôt à se fondre avec la population ibérique autochtone. Il en résulta un tel mélange des sangs, que bientôt une race hispano-arabe naquit et se développa, non seulement dans l'Andalousie mais jusqu'en Castille, Catalogne et Aragon.
  • La Pensée de Frère Luis de Léon : Contribution à l'étude du philosophie espagnole au XVIe siècle, Alain Guy, éd. Imprimerie A. Bontemps, 1943, p. 219


Au douzième siècle, on ne compta pas moins de soixante-dix bibliothèques publiques dans les contrées de l'Espagne soumises aux Maures. [...] C'est, dit-on, par les croisades que la science des Arabes fut révélée aux Occidentaux. Mais on exagère ici, évidemment, l'influence des croisades. Car déjà dès le neuvième siècle, par conséquent deux cents ans au moins avant la première croisade, les savants de l'Occident s'étaient trouvés en contact avec les Maures d'Espagne et connaissaient les trésors de l'académie de Cordoue. Au dixième siècle, Gerbert, élu pape sous le nom de Sylvestre II, avait été élevé en Espagne, et avait même appris la langue arabe. [...] Hormis les Arabes et les Grecs, tout le reste de l'Europe était encore plongé dans les ténèbres.
  • Histoire de la chimie (1843), Ferdinand Hoefer, éd. Firmin Didot frères, 1866, p. 323


L'Alhambra ! l'Alhambra ! palais que les Génies
Ont doré comme un rêve et rempli d'harmonies;
Forteresse aux créneaux festonnés et croulans,
Où l'on entend la nuit de magiques syllabes,
Quand la lune, à travers les mille arceaux arabes,
Sème les murs de trèfles blancs !

  • Sur l'Alhambra de Grenade en Espagne
  • Les Orientales, Victor Hugo, éd. C. Gosselin, 1829, Grenade, p. 292


Les Maures d'Espagne, en appelant autour d'eux les raffinements de l'époque la plus brillante de la domination arabe en Orient, répandirent les lumières de la civilisation sur l'Europe encore plongée dans la barbarie.
  • « Réflexion sur la domination des Arabes en Espagne » (1832), dans Les contes de l'Alhambra, Washington Irving, éd. H. Fournier, 1832, t. 1, p. 81


L'Espagne, ou une armée de Berbères commandée par l'un d'eux, Tariq, mit fin en une bataille (711) à l'empire wisigoth, fournit un exutoire aux nouveaux convertis. Ce furent eux qui conquirent la péninsule et pénétrèrent en Gaule jusqu'à Poitiers (732). Leur retraite, après la victoire de Charles Martel, fut moins due à l'ardeur des Francs qu'aux révoltes provoquées, dans l'Afrique du Nord extrême, par le partage, au bénéfice des seuls Arabes, des terres espagnoles et par les exactions ou les violences des gouverneurs de Tanger.


[Les Juifs] eurent, avec les Arabes, la part la plus active à la floraison et à l'épanouissement de cette admirable civilisation sémitique, qui surgit en Espagne et dans le Midi de la France, civilisation qui annonça et prépara la Renaissance.
  • L'antisémitisme, son histoire et ses causes (1894), Bernard Lazare, éd. L. Chailley, 1894, p. 113


Les Maures, devenus les maîtres de l'Andalousie, cultivèrent avec succès les sciences et les lettres. Ce fut là une époque brillante pour cette contrée de l'Espagne ; l'astrologie, l'astronomie, la physique, les mathématiques, y furent en honneur. [...] La médecine sur-tout fut cultivée par les Maures avec le plus grand succès; elle passa de l'Espagne en France et de là dans le reste de l'Europe; elle y fit oublier la médecine des Grecs; les noms des Maures de l'Andalousie célèbres dans cette science sont extrêmement multipliés: un Averroes, un Avicenne, un Aben Zoar, un Almanzar, répandirent leurs lumières dans toute l'Europe : leurs écrits devinrent les guides de toutes les écoles. [...] Les Maures emportèrent avec eux le goût des sciences et des lettres; après leur retraite l'Andalousie retomba dans son ancienne barbarie.
  • Itinéraire descriptif de l'Espagne (1809), Alexandre de Laborde, éd. H. Nicolle, 1809, t. 2, p. 138-139


Si les Arabes espagnols se distinguèrent dans les sciences, s'ils en conserverent le dépôt, s'ils les transmirent aux autres nations, s'ils furent les promoteurs de leur renaissance en Europe, ils ne se distinguerent pas moins dans la littérature.
  • Itinéraire descriptif de l'Espagne (1809), Alexandre de Laborde, éd. Chez H. Nicolle, 1809, t. 5, p. 132


Sous Abdérame III (911-961) et Hakem II (961-976), l'Espagne atteignit l'apogée de sa gloire et de sa prospérité. Cordoue est devenue un foyer de lumière, dont l'éclat rayonne sur l'Europe alors encore plongée dans la barbarie. [...] A aucune autre époque l'Espagne ne fut plus intelligente, plus riche, plus heureuse. Jamais les finances, l'administration, l'industrie, le commerce, l'agriculture et même les voies de communication ne furent en meilleur état.
  • Les bibles et les initiateurs religieux de l'humanité (1883), Georges-Louis Leblois, éd. Fischbacher, 1883, vol. 1, p. 289


Jusqu'au VIIIe siècle de notre ère, au moins, le nom de Mauri fut appliqué aux habitants de la Berbérie; et ceux-ci, après les Romains, en vinrent à se désigner ainsi eux-mêmes. La conquête de l'Espagne se fit sous la direction de chefs arabes, mais comme elle fut menée grâce aux troupes de Berbères islamisés levées dans tout le Maghreb, le nom de Mauri passa dans la péninsule avec les hommes et devint Moro, servant à désigner non seulement les Berbères mais aussi, à tort, les conquérants arabes.


À leur grande tolérance, les Arabes d'Espagne joignaient des mœurs très chevaleresques. Ces lois de la chevalerie : respecter les faibles, être généreux envers les vaincus, tenir religieusement sa parole, etc., que les nations chrétiennes adoptèrent plus tard, et qui finirent par exercer sur les âmes une action plus puissante que celles de la religion même, furent introduites par eux en Europe.
  • La Civilisation des Arabes (1884), Gustave Le Bon, éd. La Fontaine au Roy, 1990, Livre troisième, chapitre sixième, Les Arabes en Espagne, p. 213


Supposons cependant que les chrétiens n'eussent jamais réussi à repousser les Arabes ; supposons encore qu'au lieu d'un climat froid et pluvieux, qui ne pouvait exercer aucun attrait sur eux, les musulmans eussent rencontré dans le nord de la France le même climat qu'en Espagne, et eussent cherché à s'y établir de façon définitive. Pour savoir ce qu'eût été dans ces hypothèses impossibles le sort du nord de l'Europe, il suffit de rechercher ce que fut celui de l'Espagne. Or, comme sous l'influence des Arabes, l'Espagne jouissait d'une civilisation brillante, alors que le

reste de l'Europe était plongé dans la plus grossière barbarie, il est évident qu'au point de vue de la civilisation de l'époque, les populations chrétiennes n'auraient eu qu'à gagner à se ranger sous la bannière du prophète. Adoucis dans leurs mœurs, les peuples de l'Occident eussent sans doute évité ainsi les guerres de religion, la Saint-Barthélemy, l'inquisition, en un mot, toutes ces calamités qui ont ensanglanté l'Europe pendant tant de siècles, et que les musulmans n'ont jamais connues.

  • La Civilisation des Arabes (1884), Gustave Le Bon, éd. La Fontaine au Roy, 1990, Livre troisième, chapitre septième, Les Arabes en Sicile, en Italie et en France, p. 237


La dette de l'Europe envers l'Espagne musulmane est d'une importance presque sans égale. Ce foyer de haute culture qu'était Al-andalus fut un trésor inestimable pour l'Europe médiévale. Il lui rendit accessible des outils culturels et scientifiques comme le système positionnel des chiffres (les chiffres arabes), les fonctions matématiques trigonométriques, une science médicale déjà bien avançée (qui n'était que la version arabe des sciences médicales grecques classiques, mais une version développée), et tant d'autres choses encore, parmi lesquelles de nombreuses traductions. Puis vint la Renaissance et les grandes découvertes maritimes, véritable amorce des Temps modernes, engendrant le siècle des Lumières et tout ce qui suivit : tout cela n'aurait pas été possible sans les apports de l'Espagne musulmane.


Cette vie errante fait les délices de la population demi-arabe du midi de l'Espagne. Partout on retrouve des traces du caractère maure. C'est surtout dans le royaume de Murcie, et dans la vallée ou est bâtie sa capitale, que M. Cook l'a remarqué  : là le sang africain est si pur que l'on peut, dans beaucoup d'occasions, reconnaître les tribus d'Alger et de Tunis desquelles les habitans descendent. De même, à Cadix, on retrouve le véritable œil maure ou arabe; on le remarque également dans plusieurs autres cantons de l'Andalousie ; il est grand et très plein, s'étend quand il est animé, et est placé dans un orbite dont la dimension surpasse celle à laquelle nous sommes accoutumés. Son origine est incontestable, et il répond exactement à la description de celui que chantent les poètes arabes. Du reste, la physionomie maure n'est pas confinée, dans la classe inférieure, ou moyenne de la société, on l'observe dans tous les rangs en Andalousie; malgré l'orgueil de la pureté du sang, le mélange est reconnaissable dans les premières familles.
  • Nouvelles annales des voyages (1834), Conrad Malte-Brun, éd. Gide fils, 1834, t. 2, p. 232


Les conquérans musulmans de l'Espagne, mêlés de Maures et d'Arabes, y apportèrent la culture des sciences, l'amour de la patrie et l'esprit chevaleresque. De là nous sont venues la rime et la romance, qui ont marqué l'aurore du bon goût dans les provinces méridionales de la France. Les mathématiques, l'astronomie, la philosophie, la médecine et l'art vétérinaire, furent enseignés aux académies arabes en Espagne. Là s'élevèrent ces monumens magnifiques de l'architecture arabe, mélange fantasque de l'architecture des Grecs et des Persans. C'est l'architecture arabe qui a embelli l'architecture gothique, avec laquelle on l'a souvent confondue. [...] Cest parmi les progrès du luxe et de la civilisation arabes que se forma cet esprit de chevalerie errante, mélange romanesque de sentimens d'honneur et de délicatesse, de religion et d'amour. Mais la chevalerie espagnole-chrétienne, entée sur la chevalerie musulmane-bédouine, était à cette dernière ce qu'est le fruit de l'arbre cultivé à celui du sauvageon. De là naquit le goût des tournois, des joûtes, des cours d'amour, des expéditions romanesques et des duels. Ainsi le contre-coup du choc dont l'Islam renversa les anciens empires de l'Orient, a donné en Europe le branle aux esprits. Ainsi, par un enchaînement de causes éloignées et prochaines, nous devons une partie de notre culture et de l'esprit de nos siècles de chevalerie au mahométisme, qui a étendu son influence non seulement sur les peuples chez lesquels il s'est établi, mais même au-delà de leurs limites jusqu'au sein des nations européennes, qui en conservent encore aujourd'hui le témoignage irréfragable dans le nombre de mots arabes adoptés qui se trouvent dans chacune d'elles.
  • Annales des voyages de la géographie et de l'histoire (1812), Conrad Malte-Brun, éd. P. Buisson, 1812, t. 17, p. 232


Henri Marchand

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Il existe des exemples de métissages antérieurs à notre époque entre Arabo-Berbères et Européens, — et qui ont abouti à la formation de races de tout premier plan. Nul n'ignore que l'Espagne fut conquise par les Arabo-Berbères au début du VIIIe siècle qu'ils s'y maintinrent des siècles durant. Des croisements multiples et continus s'y opérèrent, avec d'autant plus de facilité que la tolérance religieuse des conquérants fut digne d'admiration. Bref, se forma une race hispano-arabo-berbère qui a laissé dans l'histoire les traces de sa grandeur. Sous le califat d'Abd-er-Rhaman III, au début du xe siècle, Cordoue était devenue une cité aussi prestigieuse que Bagdad, perle de l'Orient ; elle la dépassait même en splendeur aux dires de certains. Industrie, agriculture, commerce, étaient des plus florissants ; littérature et philosophie ont jeté un éclat qui n'est pas encore éteint. C'est cette race qui, d'autre part, a découvert et conquis le Nouveau-Monde. Les grands noms de Colomb, de Cortes, conquérant du Mexique, de Pizarre, conquérant du Pérou, sonnent encore dans la mémoire des hommes avec un éclat de fanfare.
  • Le Mariage mixte franco-musulman, Henri Marchand, éd. Librairie Ferraris, 1956, p. 19


Le monde mauresque, réfugié tout entier à Grenade, fit de ce dernier asile le paradis de la terre.
  • Histoire de France au seizième siècle: Réforme, Jules Michelet, éd. Chamerot, 1857, p. 7


Tandis que l'Occident voyait de Dieu le doux reflet lunaire, l'Orient et l'Espagne arabe et juive le contemplaient en son fécond soleil, dans sa puissance créatrice qui verse ses dons à torrents. L'Espagne est le champ du combat. Où paraissent les chrétiens, paraît le désert; où sont les Arabes, l'eau et la vie jaillissent de toutes parts, les ruisseaux courent, la terre verdit, devient un jardin de fleurs. Et le champ de l'intelligence aussi fleurit. Barbares, que serions-nous sans eux? Faut-il dire cette chose honteuse que notre Chambre des comptes attendit au dix-septième siècle pour adopter les chiffres arabes sans lesquels on ne peut faire le plus simple calcul? Les Arabes ont fait au monde le plus riche présent dont aucun génie de peuple ait doué le genre humain. Si les Grecs lui ont donné le mécanisme logique, les Arabes lui ont donné la logique du nombre, l'arithmétique et l'algèbre, l'indispensable instrument des sciences. Et combien d'autres choses utiles! la distillation, les sirops, les onguents, les premiers instruments de chirurgie, l'idée de la lithotritie, etc [...]. Certes, le peuple qui, aux huitième et neuvième siècles, donna les modèles admirables de l'architecture ogivale fut un peuple d'artistes. Le contraste apparaît frappant entre eux et leurs sauvages voisins du Nord, dans le poëme du Cid. La chevalerie alors est au Midi, la douceur, la délicatesse, la religion de la femme et la bonté pour les enfants. C'est ce qu'avouent les chrétiens mêmes.
  • Histoire de France au XVIe siècle, Jules Michelet, éd. Chamerot, 1857, t. 7, Renaissance, p. 162


Il est sans doute fort dur d'avoir à confesser que nous devons aux Maures ou Arabes d'Espagne le réveil du génie industriel de l'Europe au moyen âge ; mais il faut convenir que ces barbares, ces mécréants étaient alors le premier peuple du globe, le plus heureux à la guerre, le plus éclairé dans les sciences, le mieux inspiré dans la littérature et le plus habile dans l'industrie.
  • Journal des économistes, Société de statistique de Paris (contribution de Alexandre Moreau de Jonnès), éd. Guillaumin, 1855, La renaissance de l'industrie au Moyen-âge, p. 220


C'est à la civilisation musulmane d'Espagne que la sensibilité occitane doit de s'être éveillée si tôt.
  • L'érotique des troubadours‎ (1963), René Nelli, éd. Union générale d'éditions, 1974, p. 103


La merveilleuse civilisation maure d’Espagne, au fond plus proche de nous, parlant plus à nos sens et à notre goût que Rome et la Grèce... une civilisation en comparaison de laquelle même notre XIX siècle semblerait pauvre et retardataire!
  • L’Antéchrist (1888), Friedrich Nietzsche, Giorgio Colli et Mazzino Montinari, éd. Gallimard, 1990, p. 338


La Renaissance n'a pas hérité directement des enseignements de la civilisation grecque après une période "obscure" appelée quelquefois "âge de fer", le christianisme n'est pas le prolongement du génie hellène, ni saint Thomas le successeur d'Aristote. Galilée n'a pas, au XVII° siècle, remis en marche l'évolution des sciences, laissée en suspens par la mort d'Archimède au III° siècle avant Jésus-Christ ; le "splendide isolement" de l'Occident est une supercherie. Ce sont les œuvres musulmanes venues d'Espagne et de Sicile qui ont fécondé la civilisation.
  • Les Arabes n'ont jamais envahi l'Espagne, Ignacio Olagüe, éd. Flammarion, 1969, p. 77


Parmi les envahisseurs de 711, les Arabes proprement dits étaient une infime minorité : la troupe de Tariq n'aurait compté que neuf Arabes, selon Henri Terrasse, une vingtaine selon d'autres auteurs;la majorité était formée de Berbères. En récapitulant les diverses vagues du VIIIe siècle, on arrive à moins de cent mille envahisseurs et, dans ce total, le nombre des Arabes n'a pas dû dépasser trente mille - hypothèse basse - ou cinquante mille - hypothèse haute. Sans risque d'erreurs, on peut donc affrimer que les Berbères étaient beaucoup plus nombreux que les Arabes. Ce sera la même chose au XIe siècle, puis au XIIe siècle : ni les Almoravides ni les Almohades n'étaient Arabes. C'est pourquoi les Espagnols, pour évoquer la domination musulmane, préfèrent parler de Maures, c'est-à-dire de Maghrébins.
  • Histoire de l'Espagne (1996), Joseph Pérez, éd. Fayard, 1996, p. 34


Lorsque l'Espagne se trouva conquise par les Arabes, elle devint à son tour le principal foyer de la civilisation et des sciences. […] À cette époque de barbarie, où aucune production de l'art ne s'élevait dans l'Europe féodale et où nos barons ne savaient que s'abriter derrière leurs donjons et leurs créneaux, déjà le génie de l'islamisme couvrait les Espagnes de nombreux monuments, dans lesquels la richesse le disputait à l'élégance de la construction. Grenade, Tolède et Cordoue s'ornaient de palais somptueux, enrichis de marbres et d'or ; et à côté d'eux s'élevaient des écoles ouvertes à toutes les nations. C'était en présence de cette prospérité jusqu'alors inconnue ; c'était en goûtant les bienfaits du gouvernement le plus pacifique qu'ils eussent jamais eu que les vaincus se félicitaient de leur défaite. En parlant des Arabes, les Espagnols disaient souvent alors : « ils nous ont pris notre terre, mais ils l'ont couverte d'or. » C'est au VIIIe siècle que commence à poindre dans la péninsule ibérique, ce grand mouvement intellectuel qui devait bientôt la placer à la tête des autres nations. L'impulsion une fois donnée, elle se continua, et devint telle, qu'au Xe siècle l'Espagne possédait incontestablement le sceptre de la civilisation ; l'Europe entière en recevait alors toutes ses lumières.
  • Histoire des sciences naturelles au moyen âge (1853), Félix Archimède Pouchet, éd. Baillère, 1853, École arabe, p. 444-445


C'est aux conquêtes des Arabes, qui, après s'être emparé de l'Espagne, pénétrèrent jusqu'au centre de la France, et en furent chassés par Charles Martel, grand père de Charlemagne et surtout aux guerres que ce dernier leur livra en Espagne, que nous devons cette communication de goût, et ces imitations de style Arabe qu'on retrouve dans notre architecture gothique des neuvième et dixième siécles.


C'est l'originalité de l'Espagne, qu'avec cette horreur sainte du génie arabe, elle ne peut s'en séparer. Elle l'a chassé il y a trois siècles : il est encore là, debout et vivant dans son cœur ; elle le hait, et il court dans ses veines. Elle abhorre Mahomet ; et son Dieu, tel qu'elle l'a fait, a toutes les passions, toutes les rancunes du dieu du Coran. Elle déteste l'Arabie, et l'Arabie s'attache à ses flancs comme une tunique. Telle est donc la condition de ce peuple, pendant huit siècles, de haïr toujours le génie qu'elle imite et épouse à son insu.
  • Œuvres complètes, Edgar Quinet, éd. Pagnerre, 1857, t. 3, Le christianisme et la Révolution française (1845), Le Coran et l'Évangile, p. 139


Certes, on peut compter sur l'avenir historique de cette nation forte et laborieuse à laquelle l'humanité doit déjà le service immense d'avoir, sous le nom d'Arabes, conservé et développé en Espagne les sciences léguées par le monde hellénique et qui, dans le reste de l'Europe, étaient menacées de se perdre à jamais sous la nuit du moyen âge.
  • Nouvelle géographie universelle: la terre et les hommes, Élisée Reclus, éd. Hachette, 1886, t. 11, Mœurs des Kabyles, p. 464


Les mahométans d’origines diverses, qui s’emparèrent du pays [le Portugal] à leur tour, ont aussi contribué puissamment à changer le sang et les mœurs des habitants. Dans l’Algarve notamment, où la domination des musulmans se maintint jusqu’au milieu du treizième siècle, la population est à demi mauresque. Les Portugais ne sont pas seulement mélangés d’éléments arabes, berbers, israélites; ils sont aussi très fortement croisés de nègres, surtout dans la partie méridionale et sur le littoral maritime. [..] Peu à peu les croisements ont fait entrer dans la masse du peuple tous ces éléments ethniques provenant des populations les plus diverses de l’Afrique tropicale, et les Portugais ont pris ainsi dans leurs traits et leur constitution physique un caractère plus méridional que ne le comportait leur origine première : ils sont devenus en réalité un peuple de couleur.
  • Nouvelle géographie universelle: la terre et les hommes, Élisée Reclus, éd. Hachette, 1876, t. 1, Portugal, p. 921


Les Arabes du Guadalquivir ont été les maîtres et les éducateurs de l'Europe en astronomie, en mathématique, en mécanique, en médecine, en philosophie : l'ingratitude et la mauvaise foi ont seuls pu leur contester ce mérite.[...] Le génie inventif des musulmans d'Espagne se réveillera peut-être un jour chez leurs descendants : c'est assez de plusieurs siècles de sommeil !

  • Nouvelle géographie universelle: la terre et les hommes, Élisée Reclus, éd. Hachette, 1886, t. 1, p. 906-907


Il serait inutile de tracer ici le tableau des merveilles que la civilisation enfanta chez les Maures d'Espagne. Qui n'a entendu parler de la magnifique mosquée de Cordoue, servant aujourd'hui de cathédrale, et qui fut élevée dans la dernière moitié du huitième siècle ? Qui ne connaît les ponts, les canaux d'irrigation et les monumens de tout genre, qui furent érigés en Espagne, à partir de cette époque ? Ce n'était pas seulement dans les arts proprement dits que se montrait la supériorité des Sarrazins; elle se manifestait aussi dans les sciences, sans lesquelles il ne peut y avoir de véritable civilisation. Les Sarrazins possédaient dans la langue arabe des traductions des ouvrages d'Aristote, d'Hippocrate, de Galien, de Dioscoride, de Ptolemée ; ils avaient même ajouté aux découvertes des savants de l'antiquité. Leur supériorité était avouée par les chrétiens eux-mêmes.
  • Invasions des Sarrazins en France et de France en Savoie, en Piémont et dans la Suisse, Joseph Toussaint Reinaud, éd. Dondey-Dupré, 1836, p. 292


La population maure avait apporté sur une terre inculte [l'Espagne] une civilisation modèle, avec l'élégance de ses mœurs, avec son commerce et son industrie. Mais au XVIe siècle la puissance des Maures, même soumis, fut regardée comme dangereuse pour le pouvoir établi et ils furent expulsés. On s'aperçut bientôt de la plaie profonde que cette expulsion avait faite à l'Espagne.
  • Cours de droit constitutionnel, Pellegrino Rossi, éd. Guillaumin, 1866, t. 2, p. 384


Oui, c'est aux Arabes, par l'Espagne et par les croisades, que nous devons cette civilisation dont nous sommes si fiers; notre chevalerie nous vient des Arabes; ce sont eux qui ont appris à l'Italie, et par elle à nous, qu'il avait existé une antiquité, et c'est par eux que nous avons commencé à l'étudier. Le christianisme lui-même, en luttant avec bonheur contre l'influence de l'Islam, n'a su lui enlever de nous que la partie la plus sérieuse : l'homme moral a échappé aux Arabes ; mais l'homme social leur est resté, et c'est celui-là qui est presque tout entier leur ouvrage. Ainsi, messieurs, vous retrouvez dans cette civilisation arabe, morte presque aussitôt que née, mais dont l'influence est loin d'être morte avec elle, quelque chose de l'universalité du génie romain. Le peuple d'Auguste, comme celui de Mahomet, ont conquis le monde deux fois, la première par les armes, la seconde par les lumières, et bien des siècles après que les deux empires ont péri, leur domination dure encore : le règne des mœurs et des idées a survécu à celui des lois. Le monde moderne, comme une médaille frappée à deux coins différens, porte une double empreinte, arabe d'un côté, romaine de l'autre.
  • « L'Espagne romaine et l'Espagne arabe (Discours prononcé à l'ouverture du cours d'histoire ancienne, Faculté des Lettres de Paris.) » (1838), dans Revue de Paris, Eugène Rosseeuw Saint-Hilaire, éd. Bureau de la Revue de Paris, 1838, t. 52, p. 231


On voit que c'est nous qui fûmes les barbares à l'égard de l'Orient, quand nous allâmes le troubler par nos croisades. Aussi devons-nous ce qu'il y a de noble dans nos mœurs à ces croisades et aux Maures d'Espagne.
  • De l'Amour (1822), Stendhal, éd. Michel Lévy frères, 1857, p. 174


Dans l'Espagne occupée par les Maures s'épanouit une civilisation musulmane tolérante, par l'intermédiaire de laquelle passe aux autres Européens une bonne partie de l'héritage grec classique.


Dès 777 Charlemagne avait fait un traité d'alliance avec les gouvernements mauresques de Saragosse et d'Huesca. Par ces alliances il se ménageait les moyens d'aller recueillir les sciences et les arts là où ils s'étaient développés. Dès cette époque, les Maures d'Espagne, comme les Arabes de Syrie, étaient fort avancés dans les sciences mathématiques et dans la pratique de tous les arts, et bien que Charlemagne passe pour avoir ramené de Rome, en 787, des grammairiens, des musiciens et des mathématiciens en France, il est vraisemblable qu'il manda des professeurs de géométrie à ses alliés de Syrie ou d'Espagne; car nous pouvons juger, par le peu de monuments de Rome qui datent de cette époque, à quel degré d'ignorance profonde les constructeurs étaient tombés dans la capitale du monde chrétien.
  • Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle (1854), Eugène Viollet-le-Duc, éd. A. Morel, 1867, p. 119


Charlemagne avait des rapports plus directs avec les infidèles qu'avec la cour de Byzance, et s'il ménageait les mahométans plus que les Saxons, par exemple, frappés sans relâche par lui jusqu'à leur complète conversion, c'est qu'il trouvait chez les Maures une civilisation très avancée, des mœurs policées, des habitudes d'ordre, et des lumières dont il profitait pour parvenir au but principal de son règne, l'éducation. Il trouvait enfin en Espagne plus à prendre qu'à donner.
  • Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle (1854), Eugène Viollet-le-Duc, éd. A. Morel, 1867, p. 120


Ces mêmes Maures cultivèrent les sciences avec succès, et enseignèrent l’Espagne et l’Italie pendant plus de cinq siècles.
  • Dictionnaire philosophique, Voltaire, éd. Lequien fils, 1829, t. 2, Augustin, p. 212


(1609) L'expulsion des Maures fit bien plus de tort à la monarchie [espagnole]. Philippe III ne pouvait venir à bout d'un petit nombre de Hollandais, et il put malheureusement chasser six à sept cent mille Maures de ses États. Ces restes des anciens vainqueurs de l'Espagne étaient la plupart désarmés, occupés du commerce et de la culture des terres, bien moins formidables en Espagne que les protestants ne l'étaient en France, et beaucoup plus utiles, parce qu'ils étaient laborieux dans le pays de la paresse. [...] La plus grande partie des Maures espagnols se réfugièrent en Afrique, leur ancienne patrie; quelques-uns passèrent en France, sous la régence de Marie de Médicis : ceux qui ne voulurent pas renoncer à leur religion s'embarquèrent en France pour Tunis. Quelques familles, qui firent profession du christianisme, s'établirent en Provence, en Languedoc; il en vint à Paris même, et leur race n'y a pas été inconnue : mais enfin ces fugitifs se sont incorporés à la nation [française], qui a profité de la faute de l'Espagne, et qui ensuite l'a imitée dans l'émigration des réformés. C'est ainsi que tous les peuples se mêlent, et que toutes les nations sont absorbées les unes dans les autres, tantôt par les persécutions, tantôt par les conquêtes.
  • « Essais sur les mœurs » (1756), dans Œuvres complètes de Voltaire, Voltaire, éd. Hachette, 1859, t. 8, p. 264


Voir aussi

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