Bernard Lazare
Apparence
Bernard Lazare (15 juin 1865 à Nîmes, Gard - 1er septembre 1903) fut simultanément critique littéraire, journaliste politique (il couvre les évènements de la mine de Carmaux, il dénonce les crimes contre les Arméniens), anarchiste et polémiste. Il fut le premier des dreyfusards.
L'Antisémitisme, son histoire et ses causes, 1894
[modifier]Citations sur l'islam
[modifier]Mahomet fut nourri de l’esprit juif ; en fuyant la Mecque où sa prédication avait soulevé contre lui les Arabes fidèles aux vieilles traditions, il se réfugia à Médine, la cité juive, et, comme les apôtres trouvant leurs premiers adhérents parmi les prosélytes hellènes, il trouva ses premiers disciples parmi les Arabes judaïsants. Aussi les mêmes causes religieuses provoquèrent-elles la haine de Mahomet et celle de Paul. Les Juifs se montrèrent rebelles à la prédication du prophète, ils l’accablèrent de railleries et Mahomet qui jusqu’alors avait été disposé à entrer en composition avec eux les répudia violemment, écrivant une Soura célèbre, la Soura de la Vache, dans laquelle il les invectivait cruellement.
Mais lorsque le prophète eut rassemblé autour de lui une armée de partisans, il ne se borna pas aux injures, il marcha contre les tribus juives, les vainquit et ordonna de ne pas prendre pour amis "les chrétiens et les Juifs". Tous les Juifs se soulevèrent et s’allièrent avec ceux des Arabes qui repoussaient les doctrines nouvelles, mais l’extension du mahométisme triompha d’eux. A la mort de Mahomet, ils étaient très affaiblis ; Omar acheva l’œuvre. Il chassa de Khaïbar et de Whadi-l-Kora les dernières tribus juives, ainsi que les chrétiens de Nedjran, car chrétiens et Juifs polluaient le sol sacré de l’Islam".
- L’Antisémitisme (1894), Bernard Lazare, éd. L. Chailley, 1894, p. 85-86 (texte intégral sur Wikisource)
Citations sur le protestantisme
[modifier]La Réforme en Allemagne, comme en Angleterre, fut un de ces moments où le christianisme se retrempa aux sources juives. C’est l’esprit juif qui triompha avec le protestantisme. La Réforme fut par certains de ses côtés un retour au vieil ébionisme des âges évangéliques.
Une grande partie des sectes protestantes fut demi-juive, des doctrines antitrinitaires furent plus tard prêchées par des protestants, entre autres par Michel Servet et par les deux Socins de Sienne. En Transylvanie même l’antitrinitarisme avait fleuri dès le XVIe siècle, et Seidélius avait soutenu l’excellence du Judaïsme et du Décalogue. Les évangiles furent délaissés pour la Bible et pour l’Apocalypse. On sait l’influence que ces deux livres exercèrent sur les luthériens, sur les calvinistes et surtout sur les réformateurs et les révolutionnaires anglais. Cette influence se prolongea jusqu’au XVIIIe siècle même, c’est elle qui fit les Kakers, les Méthodistes, les Piétistes et surtout les Millénaires, les Hommes de la Cinquième Monarchie, qui avec Venner à Londres, rêvaient la république et s’alliaient avec les Niveleurs de John Lilburn".
- L’Antisémitisme (1894), Bernard Lazare, éd. L. Chailley, 1894, p. 141-142 (texte intégral sur Wikisource)
Citations sur l'antisémitisme et les antisémites
[modifier]Il m’a semblé qu’une opinion aussi universelle que l’antisémitisme, ayant fleuri dans tous les lieux et dans tous les temps, avant l’ère chrétienne et après, à Alexandrie, à Rome et à Antioche, en Arabie et en Perse, dans l’Europe du Moyen Âge et dans l’Europe moderne, en un mot, dans toutes les parties du monde où il y a eu et où il y a des Juifs, il m’a semblé qu’une telle opinion ne pouvait être le résultat d’une fantaisie et d’un caprice perpétuel, et qu’il devait y avoir à son éclosion et à sa permanence des raisons profondes et sérieuses.".
- L’Antisémitisme (1894), Bernard Lazare, éd. L. Chailley, 1894, p. préface (texte intégral sur Wikisource)
Citations sur la théorie des races
[modifier]La théorie de l'inégalité des races repose sur un fait réel ; elle devrait se formuler : l'inégalité des peuples, car il est de toute évidence que la destinée des différents peuples n'a pas été semblable, mais cela ne veut pas dire que l'inégalité de ces peuples fut originelle. Cela veut dire simplement que certains peuples se trouvèrent dans des conditions géographiques, climatériques et historiques, plus favorables que celles dont jouirent d'autres peuples, qu'ils purent par conséquent se développer plus complètement, plus harmoniquement, et non qu'ils eurent des dispositions meilleures, ni une cervelle plus heureusement conformée. La preuve en est que certaines nations appartenant à la race blanche, dite supérieure, ont fondé des civilisations de beaucoup inférieures aux civilisations des jaunes ou même des noirs. Il n'y a donc pas de peuples ni de races originairement supérieurs, il y a des nations qui "dans certaines conditions ont fondé des empires plus puissants et des civilisations durables".
- L’Antisémitisme (1894), Bernard Lazare, éd. L. Chailley, 1894, p. 252 (texte intégral sur Wikisource)
Aujourd'hui, ceux qui se considèrent comme la plus haute incarnation du sémitisme, les Juifs, contribuent à perpétuer cette croyance à l'inégalité et à la hiérarchie des races. Le préjugé ethnologique est un préjugé universel, et ceux-là mêmes qui en souffrent, en sont les conservateurs les plus tenaces. Antisémites et philosémites s'unissent pour défendre les mêmes doctrines, ils ne se séparent que lorsqu'il faut attribuer la suprématie. Si l'antisémite reproche au Juif de faire partie d'une race étrangère et vile, le Juif se dit d'une race élue et supérieure ; il attache à sa noblesse, à son antiquité la plus haute importance et maintenant encore, il est en proie à l'orgueil patriotique. Bien qu'il ne soit plus un peuple, bien qu'il proteste contre ceux qui veulent voir en lui le représentant d'une nation campée parmi des nations étrangères, il n'en garde pas moins au fond de lui-même cette vaniteuse persuasion et, ainsi, il est semblable aux chauvins de tous les pays.
Comme eux, il se prétend d'origine pure, sans que son affirmation soit mieux étayée [...]. Il n'est pas resté tel qu'un peuple uni et homogène, au contraire, il est à présent le plus hétérogène de tous les peuples, celui qui présente les variétés les plus grandes, et cette prétendue race dont amis et ennemis s'accordent à vanter la stabilité et la résistance nous présente les types les plus multiples et les plus opposés, puisqu'ils vont du Juif blanc au Juif noir, en passant par le Juif jaune, sans parler encore des divisions secondaires, celles des Juifs aux cheveux blonds ou rouges, et celles des Juifs bruns, aux cheveux noirs.
- L’Antisémitisme (1894), Bernard Lazare, éd. L. Chailley, 1894, p. 262 (texte intégral sur Wikisource)
Ce qu'on appelle improprement une race n'est pas une unité ethnologique, mais c'est une unité historique, intellectuelle et morale. [...] Nous pourrions en comparant par exemple les habitants des divers départements de la France, prouver que les différences qui existent entre un Provençal et un Breton, un Niçois et un Picard, un Normand et un Aquitain, un Lorrain et un Basque, un Auvergnat et un Savoyard ne permettent pas de croire à l'existence de la race française.
- L’Antisémitisme (1894), Bernard Lazare, éd. L. Chailley, 1894, p. 272 (texte intégral sur Wikisource)
Néanmoins si les Juifs ne sont pas une race, ils ont été jusqu'à nos jours une nation. Ils se sont perpétués avec leurs caractéristiques propres, leur type confessionnel, leur code théologique qui fut en même temps un code social. S'ils ne détruisirent pas le christianisme, s'ils n'organisèrent pas une ténébreuse conspiration contre Jésus, ils donnèrent des armes à ceux qui le combattirent et, dans les assauts donnés à l'Église, ils se trouvèrent toujours au premier rang. De même, s'ils ne sapèrent pas –formés en une vaste société secrète qui aurait durant des siècles poursuivi ses desseins- les trônes monarchiques, ils fournirent un appoint considérable à la révolution. Ils furent en ce siècle parmi les plus ardents soutiens des partis libéraux~révolutionnaires et socialistes ils leur apportèrent des hommes comme Lasker et Lassalle, sans compter le troupeau obscur des propagandistes ils les soutinrent par leurs capitaux. Enfin, nous venons de le dire, s'ils n'ont pas, sur les ruines de l'ancien régime, dressé à eux seuls le trône de la bourgeoisie capitaliste triomphante, ils ont aidé à son établissement. Ainsi sont-ils aux deux pôles des sociétés contemporaines. D'un côté ils collaborent activement à cette centralisation extrême des capitaux qui facilitera sans doute leur socialisation, de l'autre ils sont parmi les plus ardents adversaires du capital. Au Juif draineur d'or, produit de l'exil, du Talmudisme, des législations et des persécutions, s'oppose le Juif révolutionnaire, fils de la tradition biblique et prophétique (...)
- L’Antisémitisme (1894), Bernard Lazare, éd. L. Chailley, 1894, p. 392-393 (texte intégral sur Wikisource)
Citations sur la maçonnerie
[modifier]Des hommes comme le P. Barruel, dans ses Mémoires sur le Jacobinisme, comme Eckert, dans ses ouvrages sur la franc-maçonnerie, comme Dom Deschamps, comme Claudio Jannet, comme Crétineau Joly, développèrent cette théorie et la systématisèrent, ils essayèrent même d’en démontrer la réalité, et s’ils n’atteignirent pas leur but, ils réunirent du moins tous les éléments nécessaires pour entreprendre l’histoire si curieuse des sociétés secrètes. En toutes leurs œuvres, ils furent conduits à examiner quelle avait été la situation des Juifs dans ces groupes et dans ces sectes et, frappés des analogies que présentaient les rites mystagogiques de la Maçonnerie avec certaines traditions judaïques et kabbalistiques, illusionnés par tout ce décor hébraïque qui caractérise les initiations dans les loges, ils en conclurent que les Juifs avaient toujours été les inspirateurs, les guides et les maîtres de la Maçonnerie, bien plus même, qu’ils en avaient été les fondateurs, et que, avec son aide, ils poursuivaient tenacement la destruction de l’Église, depuis sa fondation.
- L’Antisémitisme (1894), Bernard Lazare, éd. L. Chailley, 1894, p. 236 (texte intégral sur Wikisource)
Tout Juif trouvera, lorsqu’il la demandera, cette assistance de ses coreligionnaires, à condition qu’on le sente dévoué à la collectivité juive, car, s’il paraît hostile, il ne recueillera que l’hostilité. Le Juif, même lorsqu’il a quitté la synagogue, fait encore partie de la franc-maçonnerie juive, de la coterie juive, si l’on veut.
- L’Antisémitisme (1894), Bernard Lazare, éd. L. Chailley, 1894, p. 382 (texte intégral sur Wikisource)