Marie de Rabutin-Chantal, dite la marquise de Sévigné, née le 5 février 1626 à Paris et morte le 17 avril 1696 au château de Grignan, est une épistolière française.
Nous sentons plus que jamais que la mémoire est dans le cœur ; car, quand elle ne nous vient point de cet endroit, nous n’en avons pas plus que des lièvres.
Lettres de Madame de Sévigné, de sa famille et de ses amis, Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné, éd. Hachette, 1862, t. 2, chap. 9 septembre 1671, lettre 201, p. 350-354 (texte intégral sur Wikisource)
J’admire comme l’on s’accoutume
aux maux et aux incommodités.
Qui m’aurait fait voir tout d’une vue
tout ce que j’ai souffert,
je n’aurais jamais cru y résister,
et jour à jour me voilà.
24 mars 1676, tome 2
Madame de Sévigné, Geneviève Haroche-Bouzinac, éd. Flammarion, 2023, p. 313
Il y a des femmes qu’il faudrait assommer à frais communs. Entendez-vous bien ce que je vous dis là ? Oui, il faudrait les assommer. La perfidie, la trahison, l’insolence, l’effronterie, sont les qualités dont elles font l’usage le plus ordinaire.
28 aout 1680, tome 2
Madame de Sévigné, Geneviève Haroche-Bouzinac, éd. Flammarion, 2023, p. 369
Je me souviens sans cesse du passé, dont le présent et l’avenir ne me console point. Voila un champ bien ample pour exercer un cœur aussi tendre et aussi peu fortifié que le mien.
11 décembre 1675, tome 2
Madame de Sévigné, Geneviève Haroche-Bouzinac, éd. Flammarion, 2023, p. 393
Je voudrais bien, au moins, ménager de ne pas aller plus loin, de ne point avancer dans ce chemin des infirmités, des douleurs, des pertes de mémoire, des défigurements qui sont près de m’outrager ; et j’entends une voix qui dit : « Il faut marcher malgré vous, ou bien, si vous ne voulez pas, il faut mourir », qui est une autre extrémité à qui la nature répugne. Voilà pourtant le sort de tout ce qui avance un peu trop.
29 novembre 1689, tome 3
Madame de Sévigné, Geneviève Haroche-Bouzinac, éd. Flammarion, 2023, p. 420
[...] il est impossible d'essayer de parler des femmes sans se mettre d'abord en goût et comme en humeur par Mme de Sévigné. Cela tient lieu d'une de ces invocations ou libations qu'on aurait faites dans l'antiquité à la pure source des grâces. [1845]
Cette femme, par son aisance, ses grâces naturelles, la douceur de son esprit, en donnait par sa conversion à qui n’en avait pas, extrêmement bonne d’ailleurs, et savait extrêmement en toutes choses, sans vouloir paraître savoir rien.
Madame de Sévigné, Geneviève Haroche-Bouzinac, éd. Flammarion, 2023, p. 453
« Serait-ce donc qu’elle aurait quelque sorte de rapport à vous-même par ce que vous avez de moins bon ? écrit-elle à Mme de Grignan ; vous attendiez-vous qu’elle fût un prodige prodigieux, un prodige comme il n’y en a pas ?… Eh ! tant mieux si elle n’est pas parfaite ! vous vous divertirez à la repétrir. » Aussi bien n’a-t-elle pas également ses qualités ? Mme de Sévigné les relève, les analyse, y revient à chaque progrès de l’âge : « si elle n’est pas aussi belle que la Beauté, elle a des manières: c’est une petite fille à croquer. » Et vienne la jeunesse, ses jolis yeux bleus avec leurs paupières noires, cette taille libre et adroite, cette physionomie spirituelle, toute cette personne assaisonnée, touchante ou piquante (on se ferait scrupule d’en décider), n’est-elle pas faite pour l’amusement de sa mère ? Avec cela, de la finesse, de la gaieté, de la gaillardise même, un talent de contrefaire incomparable, mais capable de se contenir et qui se contient, un esprit vif, agissant, qui dérobe tout : que de ressources ! « Aimez, aimez Pauline, répète l’infatigable grand’mère ; ne vous martyrisez point à vous l’ôter. Voulez-vous, en la mettant au couvent, la rendre tout à fait commune ?… Comme elle est extraordinaire, je la traiterais extraordinairement. »
Il est ici question de Pauline de Grignan, fille de la comtesse de Grignan et petite-fille de Madame de Sévigné.
L'éducation des femmes par les femmes (1885), Octave Gréard, éd. Hachette et cie, 1889, Préface, p. XII
Pour achever de la lier, elle lui persuade de se l’attacher comme secrétaire : la charmante enfant a la main rompue, une orthographe correcte, un délicieux petit commerce : jamais elle ne sera embarrassée et elle peut être utile.
Il est ici question des rapports qu'entretiennent Madame de Sévigné et sa petite-fille, Pauline de Grignan.
L'éducation des femmes par les femmes (1885), Octave Gréard, éd. Hachette et cie, 1889, Préface, p. XII
Elle demande qu’on ne mène point sa petite-fille rudement. Elle est de l’école de la douceur et du raisonnement. Mme de Grignan lui représentait Pauline comme « farouche dans sa chambre, alors que ses esprits l’emportaient » ; elle s’en montre fort surprise, elle la croyait toute de miel ; mais fût-il vrai, bien loin de se rebuter, il faut lui parler raison sans la gronder, sans l’humilier, car cela la révolte ; elle aime sa mère, elle s’aime elle-même, elle veut plaire : il ne faut que cela pour la corriger. « Je suis fort aise de lui attirer vos bontés, fait-elle entendre constamment à sa fille sous une forme ou sous une autre, et de vous adoucir pour elle, » jusqu’au moment où, triomphant du succès de ses conseils, elle s’écrie : « Ne vous l’avais-je pas bien dit qu’il ne dépendait que de vous, en causant avec elle sans vivacité ni colère, d’en faire la plus aimable compagnie ? »
Il est ici question de Pauline de Grignan, fille de la comtesse de Grignan et petite-fille de Madame de Sévigné.
L'éducation des femmes par les femmes (1885), Octave Gréard, éd. Hachette et cie, 1889, Préface, p. XIV
Mme de Sévigné est une mondaine que le monde occupe, caresse, enivre parfois, mais dont il est loin de remplir le cœur et de satisfaire l’activité [...]. « Il n’y a pas un grain d’or à tout ce qu’on dit ici, écrit-elle de Vitré : la raison, la conversation, la suite sont entièrement bannies du tourbillon où je suis. » Les beaux esprits lui inspiraient de la pitié : « Si vous saviez combien ils sont petits de près et combien ils sont quelquefois empêchés de leur personne ! »
L'éducation des femmes par les femmes (1885), Octave Gréard, éd. Hachette et cie, 1889, Préface, p. XVII
La fausse grandeur l’irritait. « Ah ! masques, je vous connais ! » s’écrie-t-elle, en voyant de certaines gens annoncés sous de grands noms. Les honneurs mêmes, les vrais honneurs la fatiguaient. Elle a hâte de quitter Vitré, où on l’accable, pour aller retrouver aux Rochers sa Mousse, sa chienne, son mail, Pilois, ses maçons, le repos de ses bois ; elle est affamée de jeûne et de silence ; elle aspire à revoir les allées qu’elle a tracées, les abris qu’elle a créés, la Solitaire, le Cloître. Ses réflexions l’entraînaient parfois selon le vent. Elle battait le pays, mais elle avait ses remises.
L'éducation des femmes par les femmes (1885), Octave Gréard, éd. Hachette et cie, 1889, Préface, p. XVII
[...] à ceux qui ne comprennent pas La Fontaine, elle se borne à répondre : « On ne fait point entrer certains esprits durs et farouches dans le charme et dans la facilité des Fables ; cette porte leur est fermée et la mienne aussi. »
L'éducation des femmes par les femmes (1885), Octave Gréard, éd. Hachette et cie, 1889, Préface, p. XIX
Appartenant à la première moitié du dix-septième siècle, elle en aimait la sève riche et puissante, le ferme esprit d’analyse et de retour sur soi. Tous les jours « elle travaillait à son esprit, à son âme, à son cœur. » Ce qu’elle adorait dans les livres de Nicole, c’est qu’il lui semblait qu’ils étaient faits à son intention : elle s’y trouvait toujours et partout ; ils lui fournissaient des soulagements, des consolations, des remèdes contre ses défauts, ses passions, contre les faiblesses humaines qui ne la quittaient point même « au milieu des grandes moralités du carême, » contre ses moindres ennuis, voire contre la pluie. On sait « les bouillons » qu’elle en tirait.
L'éducation des femmes par les femmes (1885), Octave Gréard, éd. Hachette et cie, 1889, Préface, p. XIX
Elle sait que les femmes « ayant la permission d’être faibles, se servent sans scrupule de leur privilège » ; mais elle considère qu’après tout les hommes ne sont pas moins exposés pas leurs passions, et trouve même que leur vertu « est bien plus délicate encore et plus blonde que celle des femmes. » Elle a confiance, pour son sexe, dans la force de l’éducation. C’est à cette discipline qu’en revenaient volontiers les femmes de son temps, alors qu’après l’éclat d’une vie dissipée, elles entrevoyaient les ombres de la mort.
L'éducation des femmes par les femmes (1885), Octave Gréard, éd. Hachette et cie, 1889, Préface, p. XX
Elle ne pouvait souffrir les gens qui disent : je suis trop vieux. La vieillesse lui paraissait particulièrement favorable pour y regarder de près, ne s’excuser de rien, se soutenir, se fortifier, s’épurer. Et c’est dans ce sentiment qu’elle arrivait à écrire, à cinquante-trois ans, ce mot d’une raison si haute et d’une grâce féminine si pénétrante, qui, sur un point fondamental, résume les doctrines exposées dans ce volume : « Je dis toujours que si je pouvais vivre deux cents ans, je deviendrais la plus admirable personne du monde. »
L'éducation des femmes par les femmes (1885), Octave Gréard, éd. Hachette et cie, 1889, Préface, p. XXI
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