Le mot littérature, issu du latin litteratura dérivé de littera (la lettre), apparaît au début du XIIe s avec un sens technique de « chose écrite » puis évolue à la fin du Moyen Âge vers le sens de « savoir tiré des livres », avant d'atteindre aux XVIIe - XVIIIe son sens principal d'aujourd'hui : ensemble des œuvres écrites ou orales comportant une dimension esthétique ou activité participant à leur élaboration.
Depuis longtemps déjà on savait que la littérature peut s’employer à d’autres fins que le seul plaisir de la lecture. Elle n’est en principe, que la liberté donnée au langage d’abuser de sa fonction pour offrir au loisir des gens les divertissements de la fable ou l’enchantement de la forme.
Œuvres I (1944), Paul Valéry, éd. Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1960, chap. Voltaire, p. 527
Le vieux dandy, le père du dandysme, le grand gentilhomme de la décadence, accède en littérature à une domination qui s'exerce sur le même plan que le pouvoir politique et militaire. Il fut placé à la même hauteur que son superbe adversaire,
Napoléon.
« L'homme de la mort — Mythification de l'écrivain », Giovanni Macchia, Chateaubriand — Revue Littéraire Europe (ISSN 0014-2751), nº 775-776, Novembre-décembre 1993, p. 11
Tout relève des beaux-arts pour le regard de
Chateaubriand. Même si le
Voyage en Italie n'est pas
Atala — le genre littéraire est complètement différent — le récit de voyage témoigne dans quelques rares passages du désir de l'écrivain de s'aventurer personnellement dans le domaine des arts plastiques : « Si j'étais Raphaël, je ferais un tableau », dit-il en admirant une jeune femme qui « ressemble à une Madone » ; quant aux femmes de Rome, ce sont presque « des statues antiques de Junon ou de Pallas, descendues de leur piédestal ». Toujours l'œil d'artiste qui associe au monde de l'art les choses vues et cherche à dessiner leurs équivalents épurés dans l'écriture littéraires.
« Aux origines des Mémoires d'Outre-tombe — Les beaux arts et le Voyage en Italie », Hans Peter Lund, Chateaubriand — Revue Littéraire Europe (ISSN 0014-2751), nº 775-776, Novembre-décembre 1993, p. 79
La crise de la littérature et plus particulièrement du roman, dont chacun parle aujourd'hui avec insistance mais dans le vague, vient d'abord sans doute de l’absence de grands écrivains. Cette absence contraste singulièrement avec la profusion et l'éclat des années 1920 et 1930. Dans un dictionnaire des auteurs de l'entre-deux-guerres, la seule lettre M — privilégiée, j'en conviens — fournissait
Mauriac,
Maurois,
Montherlant,
Morand,
Maurras,
Malraux et
Martin du Gard - sans parler des Charles Morgan et des Soomerset Maughan.
La littérature de nos jours est devenue commerciale, et c'est sans doute la raison pour laquelle le commerce est devenu à son tour littéraire. Mais au mot de roman ou de romance, je substituerai volontiers celui de poubelle ou d'ordures.
La littérature engagée, avec son air martial et ses bonnes résolutions, est sympathique dans la mesure où les fayots sont sympathiques dans un régiment de cavalerie.
« Les écrivains sont-ils bêtes ? », dans
Les écrivains sont-ils bêtes ?,
Roger Nimier, éd. Rivages, 1990, p. 19
Une grande époque littéraire tient à l’accord des lecteurs et des meilleurs écrivains de leur pays.
J’appelle journalisme en littérature, tout ce qui intéressera demain moins qu'aujourd'hui.
Christophe Donner, Contre l'imagination, 1998
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Il n'y aurait pas de progrès, en littérature, comme il y a les beaux progrès de la médecine ? Les mots nouveaux, nouvellement agencés, ne ressembleraient-ils pas à de nouveaux instruments d'investigation clinique? Toutes ces choses jamais dites, sombres, qui furent objet de tant de secrètes souffrances, et soudain révélées par la littérature, ces vérités ne sont-elles pas comme des maladies qu'on a enfin réussi à isoler?
Il n'y a bien évidemment aucune différence entre la littérature et la science, et ce n'est pas parce que la peinture et la musique ont été religieuses, ce n'est pas parce que la littérature a été biblique que tous ces arts, tels des vers ayant enfin mangé le fruit, ne se retrouvent pas aussi nus que la science face à l'homme, et en charge du même devoir : savoir.
American psycho est une fresque qui raconte comment l'Homme a délibérément choisi, à partir de la fin des années 80 (date de la mort des utopies), de s'enterrer sous une montagne de marchandises. Vingt ans après sa publication,
American psycho continue de congeler toute la littérature du siècle suivant.
American psycho n'a pas seulement prédit l'apocalypse : ce texte est l'apocalypse de notre temps. Or « Apocalypse » signifie « Révélation ». Après
Psycho, que se passera-t-il ? Tout est fini, il ne reste plus qu'à reconstruire une littérature pour le siècle qui commence, ou bien il est trop tard, et nous sommes comme l'orchestre à bord du
Titanic, jouant de la musique de chambre aux premières loges, en regardant la littérature disparaître sous les flots.
L'effet purificateur et sanctificateur de la littérature, la destruction des passions par la connaissance et par la parole, la littérature considérée comme un acheminement vers la compréhension, vers le pardon et vers l'amour, la puissance libératrice du langage, l'esprit littéraire comme le phénomène le plus noble de l'esprit humain en général, le littérateur comme homme parfait, comme saint...
La Montagne magique (1931),
Thomas Mann (trad. Maurice Betz), éd. Arthème Fayard, coll. « Le Livre de Poche », 1994, p. 753
[Voltaire] croyait sincèrement à la décadence des lettres et il le dit en vingt endroits avec une amère énergie : La littérature n'est à présent qu'une espèce de brigandage. S'il y a encore quelques hommes de génie à Paris, ils sont persécutés. Les autres sont des corbeaux qui se disputent quelques plumes de cygne du siècle passé qu'ils ont volées et qu'ils ajustent comme ils peuvent à leurs queues noires.
Les lumières et les salons — Anthologie établie et présentée par Pierre Berès,
Charles-Augustin Sainte-Beuve, éd. Hermann (éditeurs des sciences et des arts), coll. « Collection savoir : lettres », 1992
(ISBN 2-7056-6178-6), partie
Voltaire, 20 et 27 octobre 1856.
Causeries du lundi, t. XIII, p. 180
Je me suis [souvent] demandé ce qu'il en aurait été de la destinée moderne littéraire (pour n'envisager que celle-là) si la bataille de Marathon avait été perdue et la Grèce assujettie, asservie, écrasée avant le siècle de Périclès.
N'oublions jamais que Rome était déjà arrivée, par son énergie et son habileté, au pouvoir politique le plus étendu et à la maturité d'un grand État, après la seconde guerre punique, sans posséder encore rien qui ressemblât à une littérature proprement dite digne de ce nom ; il lui fallut conquérir la Grèce pour être touchée de ce beau feu qui devait doubler et perpétuer sa gloire.
Le siècle du progrès — Anthologie établie et présentée par Pierre Berès,
Charles-Augustin Sainte-Beuve, éd. Hermann (éditeurs des sciences et des arts), coll. « Collection savoir : lettres », 1992
(ISBN 2-7056-6179-4), partie De la tradition en littérature, 12 avril 1858.
Causeries du lundi, t. XV, p. 2
Ne pas avoir le sentiment des lettres, cela, chez les Anciens, voulait dire ne pas avoir le sentiment de la vertu, de la gloire, de la grâce, de la beauté, en un mot de tout ce qu'il y a de véritablement divin sur la terre.
Le siècle du progrès — Anthologie établie et présentée par Pierre Berès,
Charles-Augustin Sainte-Beuve, éd. Hermann (éditeurs des sciences et des arts), coll. « Collection savoir : lettres », 1992
(ISBN 2-7056-6179-4), partie De la tradition en littérature, 12 avril 1858.
Causeries du lundi, t. XV, p. 3
Le classique [...], dans son caractère le plus général et dans sa plus large définition, comprend les littératures à l'état de santé et de fleur heureuse, les littératures en plein accord et en harmonie avec leur époque, avec leur cadre social, avec les principes et les pouvoirs dirigeants de la société ; contentes d'elles-mêmes — contentes d'être de leur nation, de leur temps, du régime où elles naissent et fleurissent (la joie de l'esprit, a-t-on dit, en marque la force : cela est vrai pour les littératures comme pour les individus) ; les littératures qui sont et qui se sentent chez elles, dans leur voie, non déclassées, non troublantes, n'ayant pas pour principe le malaise, qui n'a jamais été un principe de beauté.
Le siècle du progrès — Anthologie établie et présentée par Pierre Berès,
Charles-Augustin Sainte-Beuve, éd. Hermann (éditeurs des sciences et des arts), coll. « Collection savoir : lettres », 1992
(ISBN 2-7056-6179-4), partie De la tradition en littérature, 12 avril 1858.
Causeries du lundi, t. XV, p. 8
Si un jour nous nous sentions heureux, sincèrement heureux ; si les jeunes âmes touchées d'un bon souffle, atteintes de ce contentement louable et salutaire qui n'engendre pas un puéril orgueil et qui ne fait qu'ajouter à la vie l'émulation, se sentaient heureuses de vivre dans un temps, dans un régime social qui permet ou favorise tous les beaux mouvements de l'humanité ; si elles ne se constituaient pas dès le début en révolte, en fronde, en taquinerie, en aigreur, en regrets ou en espérances d'en arrière ou d'au-delà, si elles consentaient à répandre et à diriger toutes leurs forces dans le large lit ouvert devant elles — oh ! alors l'équilibre entre les talents et le milieu, entre les esprits et le régime social, se trouverait établi ; on se retrouverait à l'unisson ; la lutte, la maladie morale cesserait et la littérature d'elle-même redeviendrait classique par les grandes lignes et par le fond (c'est l'essentiel) — non pas qu'on aurait plus de talent, plus de science, mais on aurait plus d'ombre, d'harmonie, de proportion, un noble but et des moyens plus simples et plus de courage pour y arriver. Nous recommencerions peut-être à avoir des monuments.
Le siècle du progrès — Anthologie établie et présentée par Pierre Berès,
Charles-Augustin Sainte-Beuve, éd. Hermann (éditeurs des sciences et des arts), coll. « Collection savoir : lettres », 1992
(ISBN 2-7056-6179-4), partie De la tradition en littérature, 12 avril 1858.
Causeries du lundi, t. XV, p. 10
Il n'y a pas de poésie antécédente à l'acte du verbe poétique. Il n'y a pas de réalité antécédente à l'image littéraire. L'image littéraire ne vient pas habiller une image nue, ne vient pas donner la parole à une image muette. L'imagination, en nous, parle, nos rêves parlent, nos pensées parlent. Toute activité humaine désire parler. Quand cette parole prend conscience de soi, alors l'activité humaine désire écrire, c'est-à-dire agencer les rêves et les pensées. L'imagination s'enchante de l'image littéraire. La littérature n'est donc le succédané d'aucune autre activité. Elle achève un désir humain. Elle représente une émergence de l'imagination.
L'Air et les Songes — Essai sur l'imagination du mouvement (1943),
Gaston Bachelard, éd. Le Livre de Poche, coll. « Biblio Essais », 1992
(ISBN 978-2-253-06100-7), partie IX, chap. Conclusion I : « L'image littéraire », p. 324
Combien le problème de la littérature est mal posé, à partir de l'idéologie qu'elle porte ou de la récupération qu'un ordre social en opère. […] C'est cela le style, ou plutôt l'absence de style, l'asyntaxie, l'agrammaticalité : moment où le langage ne se définit plus par ce qu'il dit, encore moins par ce qui le rend signifiant, mais par ce qui le fait couler, fluer et éclater — le désir. Car la littérature est tout à fait comme la schizophrénie : un processus et non pas un but, une production et non pas une expression.
L'Anti-Œdipe,
Gilles Deleuze/Félix Guattari, éd. de Minuit, 1973
(ISBN 2-7073-0067-5), chap. 1 (« Psychanalyse et familialisme : la sainte famille »), § 9 (« Le processus »), p. 158-159
Écriture, Roman, et
Charles Dantzig (Dictionnaire égoïste de la littérature française).
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