Les Maîtres sonneurs
Apparence
Les Maîtres sonneurs est un roman historique de George Sand, publié en juillet 1853. Le récit se passe entre Berry et Bourbonnais (entre Nohant - Saint-Chartier dans l'actuel département de l'Indre, et Chambérat, aujourd'hui dans l'Allier). C'est à la fois un roman du terroir, un roman d'amour et un roman sur les « cornemuseux », à la fin du XVIIIe siècle, dans le Berry et le Bourbonnais.
Citations
[modifier]Ce n’est donc pas, comme on me l’a reproché, pour le plaisir puéril de chercher une forme inusitée en littérature, encore moins pour ressusciter d’anciens tours de langage et des expressions vieillies que tout le monde entend et connaît de reste, que je vais m’astreindre au petit travail de conserver au récit d’Étienne Depardieu la couleur qui lui est propre. C’est parce qu’il m’est impossible de le faire parler comme nous, sans dénaturer les opérations auxquelles se livrait son esprit, en s’expliquant sur des points qui ne lui étaient pas familiers, mais où il portait évidemment un grand désir de comprendre et d’être compris.
- Dédicace du roman à son fils Maurice. Sand y prend le temps d'expliquer son intention avec ce roman.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Dédicace, p. 58
Et puis, il est juste de confesser aussi que les garçonnets sont toujours plus jeunes en esprit que les fillettes (...)
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Première veillée, p. 64
J’entends souvent dire aux bourgeois : J’ai fait mes études avec un tel ; c’est mon camarade de collège. Nous autres paysans, qui n’allions pas même à l’école dans mon jeune temps, nous disons : J’ai été au catéchisme avec un tel, c’est mon camarade de communion. C’est de là que commencent les grandes amitiés de jeunesse, et quelquefois aussi des haïtions qui durent toute la vie. Aux champs, au travail, dans les fêtes, on se voit, on se parle, on se prend, on se quitte ; mais, au catéchisme, qui dure un an et souvent deux, faut se supporter ou s’entr’aider cinq ou six heures par jour.
- (Des "haïtions" : des haines.)
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Première veillée, p. 66
J’oubliai les fumées d’amour, car rien ne rend si tranquille comme de suer sous la pioche, du lever au coucher du soleil ; et quand vient la nuit, ceux qui ont eu affaire à la terre grasse et lourde de chez nous, qui est la plus rude maîtresse qu’il y ait, ne s’amusent pas tant à penser qu’à dormir pour recommencer le lendemain.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Première veillée, p. 80
On n'aime pas les fantômes ; mais quand on est sûr d'avoir affaire à du solide, c'est autre chose (...)
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Cinquième veillée, p. 128
Vous êtes fâché que j'entre chez vous sans permission ? Pourquoi n'y étiez-vous point ? J'ai frappé à la porte, j'ai demandé du feu, ça ne se refuse jamais. Qui ne répond consent, j'ai poussé le loquet. Pourquoi n'avez-vous point de serrure, si vous craignez les voleurs ? J'ai regardé vers les lits, j'ai trouvé maison vide ; j'ai allumé ma pipe, et me voilà. Qu'est-ce que vous avez à dire ?
- Huriel, à Tiennet, lors de leur première rencontre.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Sixième veillée, p. 135
Je trouve qu'entre hommes c'est lâche de s'envoyer des balles, la force ayant été donnée aux humains pour s'en servir.
- Tiennet à Huriel.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Sixième veillée, p. 137
Le Berrichon, je le sais, est une pierre qui roule d’un sillon sur l’autre, revenant toujours sur celui de droite quand la charrue l’a poussé pour une saison sur celui de gauche. Il respire un air lourd, il aime ses aises, il n’a point de curiosité ; il chérit son argent, et ne le dépense point ; mais il ne sait pas l’augmenter, et n’a ni invention ni courage.
- Huriel à Tiennet.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Sixième veillée, p. 140
Tu es un franc Berrichon, comme un moineau franc est un moineau franc, et ce que tu es à cette heure, tu le seras dans cinquante ans d’ici ; ton crin aura blanchi, mais ta cervelle n’aura pas pris un jour.
- Huriel à Tiennet.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Sixième veillée, p. 142
Nous autres, gens des forêts, nous serions malades s’il fallait nous ensevelir vivants dans des draps et des couvertures.
- Huriel à Tiennet.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Sixième veillée, p. 142
Avant d'avoir la personne, il faut avoir le cœur, et je n'ai pas droit au vôtre.
- Huriel à Brulette.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Onzième veillée, p. 188
Il ne manque pas de fosses par ici, pour enterrer deux imbéciles : et qu'on vienne ensuite les y chercher ! Nous serons loin, et les arbres ni les pierres n'ont de langue pour raconter ce qu'ils ont vu !
- Malzac.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Onzième veillée, p. 200
La musique a deux modes que les savants, comme j'ai ouï dire, appellent majeur et mineur, et que j'appelle, moi, mode clair et mode trouble ; ou, si tu veux, mode de ciel bleu et mode de ciel gris ; ou encore, mode de la force et de la joie, et mode de la tristesse ou de la songerie. Tu peux chercher jusqu'à demain, tu ne trouveras pas la fin des oppositions qu'il y a entre ces deux modes, non plus que tu n'en trouveras un troisième ; car tout, sur la terre, est ombre ou lumière, repos ou action. Or, écoute bien toujours, Joseph ! La plaine chante en majeur et la montagne en mineur.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Dix-huitième veillée, p. 293-294
Trois fendeux y avait,
Au printemps, sur l'herbette ;
(J'entends le rossignolet),
Trois fendeux y avait,
Parlant à la fillette.
- La chanson du grand bûcheux, dernier couplet.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Dix-huitième veillée, p. 295
Mon amant vous serez,
Vous qui portez l'amande,
(J'entends le rossignolet),
Mon amant vous serez,
On donne à qui demande.
- La chanson du grand bûcheux, premier couplet.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Dix-huitième veillée, p. 296
Ça revient toujours un peu à ton premier dire, qui était que, pour être écouté, il ne faut point trop aimer. Celui qui aime trop est craintif ; il ne se peut arracher une parole du ventre, et on le juge sot parce qu'il est transi de désir et de honte.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Dix-huitième veillée, p. 305
Je crois que je n'ai point d'autre maladie qu'une idée toujours tendue aux mêmes fins, et toujours rentrée au moment qu'elle me vient sur les lèvres.
- Joseph, à Tiennet.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Dix-neuvième veillée, p. 314
Qui prend enfant prend maître.
- Brulette, à Tiennet.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Vingtième veillée, p. 320
- Citation choisie pour le 7 décembre 2010.
À dire vrai, un petit enfant est un rude maître, injuste comme un mari qui serait fol, obstiné comme une bête affamée.
- Brulette, à Tiennet.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Vingtième veillée, p. 331
Il n'y a donc que moi, mon pauvre chat-huant, qui sois accoutumée à ton bec et à tes griffes !
- Brulette, au bébé Charlot.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Vingtième veillée, p. 332
Il lui ressemble non plus qu'une pomme de terre à une rose.
- Au sujet de l'absence de ressemblance entre Brulette et le bébé Charlot.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Vingtième veillée, p. 334
J'aurais pu me tourner vers l'amour ou vers le ciel, il y a un an. Je me sentais, comme tu dis, changée en dedans ; mais me voilà attachée aux peines de ce monde, sans y trouver ni la douceur de l'amour, ni la force de la religion. Il me semble que je suis liée à un joug et que je pousse en avant, de ma tête, sans savoir quelle charrue je traîne derrière moi. Tu vois que je n'en suis pas plus triste et que je n'en veux pas mourir ; mais je confesse que j'ai regret à quelque chose dans ma vie, non point à ce qui a été, mais à ce qui aurait pu être.
- Brulette, à Tiennet, après avoir recueilli le bébé Charlot.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Vingt-et-unième veillée, p. 338-339
Les hommes ont inventé la peine de mort, que Dieu réprouve, et ils vous tueront peut-être volontairement pour avoir tué par mégarde.
- Le carme Nicolas, à Huriel.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Vingt-deuxième veillée, p. 348
Je n'aime point à perdre mes heures dans les additions.
- Huriel, à la tante de Tiennet qui le prévient que Brulette n'est pas fortunée.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Vingt-quatrième veillée, p. 380
Le plus malins sont quelquefois ceux qu'on croit les plus sots, de même que les plus sots se trouvent être ceux qui se croient bien malins.
- La tante de Tiennet, à Tiennet.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Vingt-quatrième veillée, p. 381
Qui ne risque rien n'a rien. Es-tu si Berrichon que tu ne veuilles tenter le sort ?
- Huriel, à Tiennet.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Vingt-quatrième veillée, p. 382
Et puis je me lasse de couper des arbres. Sais-tu, Tiennet, que je les aime, ces beaux vieux compagnons de ma vie, qui m'ont raconté tant de choses dans les bruits de leurs feuillages et les craquements de leurs branches ! Et moi, plus malsain que le feu du ciel, je les en ai remerciés en les couchant à mes pieds, comme autant de cadavres mis en pièces ! Ne ris pas de moi, je n'ai jamais vu tomber un vieux chêne, ou seulement un jeune saule, sans trembler de pitié ou de crainte, comme un assassin des œuvres du bon Dieu. Il me tarde de me promener sous des ombrages qui ne me repousseront plus comme un ingrat, et qui me diront enfin des secrets dont je n'étais pas digne.
- Le grand bûcheux, à Tiennet.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Vingt-cinquième veillée, p. 391
Je ne pleure pas, Tiennet, me répondit-il d'une voix assurée. Je ne suis ni si faible ni si heureux que de me pouvoir soulager de cette manière-là. C'est tout au plus si, dans les pires moments, il me vient une pauvre larme hors des yeux, et celle qui cherche à en sortir, à cette heure, n'est pas de l'eau, mais du feu, que je crois, car elle me brûle comme un charbon ardent.
- Joseph, à Tiennet.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Vingt-sixième veillée, p. 408
Je ne crois pas à un bien tendre cœur sous une si rude fierté.
- Brulette, à propos de Joseph.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Vingt-sixième veillée, p. 422
Vous aurez beau faire la moue et branler la tête, ça n'est aucun de vous qui pourrait jouter avec ce gars ; on parlera de lui dans deux cents ans d'ici, et tous vos noms seront oubliés avant que vos carcasses soient pourries dans la terre.
- La mère Bline de la Breuille, après avoir entendu Joseph cornemuser.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Vingt-neuvième veillée, p. 446
On parle d'aspirants cloués dans une bière, de brasiers où on les faisait choir, et de croix de fer rouge qu'on leur faisait embrasser.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Trentième veillée, p. 465
Il y a que nous n'avons jamais vu la personne du diable, et qu'aucun de nous ne souhaite faire sa connaissance.
- Les Maîtres sonneurs (1853), George Sand, éd. Gallimard, coll. « Folio classiques », 1979, Trentième veillée, p. 466