Enzo Traverso
Apparence
Enzo Traverso, né le 14 octobre 1957, est un historien italien.
Les nouveaux visages du fascisme, 2017
[modifier]Mais l’abus du concept de populisme est tel qu’il ne veut plus dire grand-chose.
Comprenez-moi bien : je ne récuse pas la qualification de « populiste » pour certains mouvements politiques, qui peut avoir sa pertinence, mais elle pose problème quand elle est utilisée en tant que substantif, et en tant que concept. Je préfère l’utiliser comme adjectif. Le populisme comme phénomène politique à part entière, avec son profil et son idéologie ne me semble pas correspondre à la réalité contemporaine.
Comprenez-moi bien : je ne récuse pas la qualification de « populiste » pour certains mouvements politiques, qui peut avoir sa pertinence, mais elle pose problème quand elle est utilisée en tant que substantif, et en tant que concept. Je préfère l’utiliser comme adjectif. Le populisme comme phénomène politique à part entière, avec son profil et son idéologie ne me semble pas correspondre à la réalité contemporaine.
- Les nouveaux visages du fascisme, Enzo Traverso, éd. Textuel, 2017, p. 12
L'immigration est l'avenir du vieux monde, la condition pour éviter son déclin démographique, son déclin économique, pour payer les retraites d'une population vieillissante, pour s'ouvrir au monde, pour renouveler ses cultures et les faire dialoguer. Tous les analystes font ce constat élémentaire, mais nos politiques ne veulent pas l'admettre pour des calculs bassement électoraux.
- Les nouveaux visages du fascisme, Enzo Traverso, éd. Textuel, 2017, p. 54
Un Système inhumain, 2007
[modifier]Le capitalisme n'a certes pas inventé le sida, mais il a organisé sa propagation, en soumettant à un impératif marchand la production et la distribution des médicaments qui permettent de le combattre.
- « Un Système inhumain », Enzo Traverso, Politis (ISSN 1290-5550), nº 967, 13 septembre 2007, p. 10
La violence nazie, une généalogie européenne, 2003
[modifier]Il ne s'agit pas de gommer la singularité de la violence nazie en l'assimilant tout simplement aux massacres coloniaux. Il s'agit plutôt de reconnaître qu'elle fut perpétrée au milieu d'une guerre de conquête et d'extermination entre 1941 et 1945, conçue comme une guerre coloniale au sein de l'Europe. Une guerre coloniale qui empruntait largement son idéologie et ses principes - mais avec des moyens et des méthodes bien plus modernes, puissants et meurtriers - à celles menées tout au long du XIXe siècle par l'impérialisme classique. Si les victimes de la « Solution finale » incarnaient l'image de l'altérité dans le monde occidental, objet de persécution religieuses et de discriminations raciales depuis le Moyen Age, les circonstances historiques de leur destructions indiquent que cette stigmatisation ancienne et certes particulière avait été revisitée après l'expérience des guerres et des génocides coloniaux. Le nazisme réalisait la rencontre et la fusion entre deux paradigmatiques : le Juif, l'« autre » du monde occidental, et le « sous-homme », l'autre du monde colonisé.
- La violence nazie, une généalogie européenne, Enzo Traverso, éd. La Fabrique, 2003, chap. Introduction, p. 26-27
Les lois nazies de Nuremberg étaient choquantes dans l'Europe des années trente dans la mesure où elles frappaient un groupe émancipé depuis un siècle, parfaitement intégré dans la société et dans la culture allemande, mais elles avaient déjà été envisagées par l'ensemble des puissance coloniales comme des mesures normales et naturelles à l'égard du monde non européen.
- La violence nazie, une généalogie européenne, Enzo Traverso, éd. La Fabrique, 2003, chap. II-Conquérir, p. 63
Dans la culture occidentale du XIXe siècle, colonialisme, mission civilisatrice, droit de conquête et pratiques d'extermination étaient souvent des synonymes. Une vaste littérature, tant scientifique que populaire, faite d'ouvrages savants, de revues anthropologiques, de récits de voyage, de romans et de nouvelles adressées aux couches cultivées comme aux classes laborieuses, propageait le principe du droit occidental à la domination mondiale, à la colonisation de la planète et à la soumission, voire à la destruction des « peuples sauvages ».
- La violence nazie, une généalogie européenne, Enzo Traverso, éd. La Fabrique, 2003, chap. II-Conquérir, p. 64
Les conséquences catastrophiques du colonialisme seront perceptibles à long terme, non pas dans les champs de bataille, ou les pertes furent somme toute limitées, mais sur l'ensemble des territoires conquis, à cause d'un déclin démographique qui, dans plusieurs cas, ne peut être qualifié autrement que sous l'appellation de génocide. […] Selon les estimations les plus fiables, le nombre de victimes des conquêtes européennes en Asie et en Afrique au cours de la seconde partie du XIXe siècle tourne autour de 50-60 millions, dont la moitié environ due à la famine en Inde.
- La violence nazie, une généalogie européenne, Enzo Traverso, éd. La Fabrique, 2003, chap. II-Conquérir, p. 75
Les dispositifs de déportation, les mesures de déshumanisation et les projets d'extermination raciale mis en œuvre par l'Allemagne de Hitler recouvrent des idées anciennes, bien ancrées dans l'histoire de l'impérialisme occidental.
- La violence nazie, une généalogie européenne, Enzo Traverso, éd. La Fabrique, 2003, chap. II-Conquérir, p. 84
L'idée que la civilisation implique la conquête et l'extermination des « races inférieures » ou « nuisibles », la conception instrumentale de la technique comme moyen d'élimination organisées de l'ennemi n'ont pas été inventées par le nazisme, elles constituaient un « habitus mental » de l'Europe depuis le XIXe siècle et l'avènement de la société industrielle.
- La violence nazie, une généalogie européenne, Enzo Traverso, éd. La Fabrique, 2003, Conclusions, p. 163
Entre les massacres de l'impérialisme conquérant et la « Solution finale » il n'y a pas seulement des « affinités phénoménologiques », ni des analogies lointaines. Il y a une continuité historique qui fait de l'Europe libérale un laboratoire des violences du XXe siècle et d'Auschwitz un produit authentique de la civilisation occidentale.
- La violence nazie, une généalogie européenne, Enzo Traverso, éd. La Fabrique, 2003, Conclusions, p. 167
La violence nazie ne doit rien au hasard : elle a une généalogie, qui n'est pas spécifiquement allemande, et un laboratoire, l'Europe libérale du XIXe siècle. Les camps d'extermination sont l'aboutissement d'un long processus de déshumanisation et d'industrialisation de la mort, amorcé par la guillotine et qui a progressivement intégré la rationalité du monde moderne, celle de l'usine, de la bureaucratie, de la prison. On peut trouver les origines culturelles du nazisme dans le «racisme de classe» qui triomphe après la Commune, dans le discours impérialiste sur l'«extinction des races inférieures» visant à légitimer les génocides coloniaux, enfin dans l'émergence d'une nouvelle image du juif - axée sur la figure de l'intellectuel - comme métaphore d'une maladie du corps social. Le nazisme réalisera la convergence entre ces différentes sources matérielles et idéologiques. Auschwitz se révèle ainsi [...] comme la synthèse d'un ensemble de modes de pensée, de domination et d'extermination profondément inscrits dans l'histoire occidentale.
- La violence nazie, une généalogie européenne, Enzo Traverso, éd. La Fabrique, 2003, Conclusions, p. 4e de couverture
L'Histoire comme champ de Bataille, 2011
[modifier][Le fascisme] : Il s'agit pour tous les trois, [Georges L. Mosse, Zeev Sternhell et Emilio Gentile], d'une "révolution de droite"[1] , dont le moteur social résidait dans les classes moyennes et dont l'ambition était la construction d'une civilisation nouvelle[2]. Autrement dit, une révolution à la fois antilibérale et antimarxiste, "spirituelle" et "communautaire".
- ↑ note 10 : Emilo Gentils, Qu'est ce que le fascisme ? Histoire et interprétation, Gallimard, Paris, 2004, p152
- ↑ note 11 : George L. Mosse, La Révolution fasciste, Seuil 2003, p71 ; Zeev Sternhel, "Le concept de fascisme" in Zeev Sternhel, Mario Sznajder, Maja Ashéri, Naissance de l'idéologie fasciste, Gallimard, "folio", Paris 1994, p 23-24.
- L'Histoire comme champ de Bataille, Interpréter les violences du XXe, Enzo Traverso, éd. La Découverte, 2011, p. 95
Où sont passés les intellectuels ?
[modifier]Aujourd'hui, le langage de l'entreprise se généralise à l'ensemble de la société et ceux qui l'utilisent pensent que la modernité consiste à remplacer les intellectuels par les gestionnaires.
- Où sont passés les intellectuels ?, Enzo Traverso, éd. Textuel, 2013, p. 39
La figure de l'intellectuel "éducateur" à disparu ...
- Où sont passés les intellectuels ?, Enzo Traverso, éd. Textuel, 2013, p. 39
C'est une vision utilitariste : l'expert ne s'engage pas pour des valeurs, il utilise ses compétences pour apporter son aide au pouvoir en place, et joue un rôle idéologique non négligeable.
- Où sont passés les intellectuels ?, Enzo Traverso, éd. Textuel, 2013, p. 37